A qui profite la misère étudiante

Par UNI Archives

Le 8 mars 2008 à 19h33

UNI

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Depuis plusieurs années, le portrait des étudiants peint par leurs principaux syndicats ne cesse de se noircir. En 2000, le rapport Dauriac lançait un chiffre : 100 000 étudiants vivraient en dessous du seuil de pauvreté. Depuis, ce chiffre prospère et est instrumentalisé par tous ceux qui vivent du misérabilisme. Il a, pourtant, été aussitôt contesté et démenti par les travaux de l’observatoire de la vie étudiante (OVE) et le rapport Grignon sur « les étudiants en difficulté, pauvreté et précarité ». Puis, les syndicats ont dénoncé, avec la crédibilité scientifique inhérente au “pif-au-mètre”, le fait qu’entre 80 % et 50 % des étudiants soient obligés de se salarier pour poursuivre leurs études, ce qui les entraînerait inexorablement vers un échec universitaire. Là encore, la réalité est bien différente. Les étudiants français n’étaient en 2005 que 10,8 %, selon l’Insee, à être salariés durant leurs études ; et quand leurs cursus sont correctement aménagés, ces derniers réussissent aussi bien que leurs camarades. Un rapport du conseil économique et social sur le « travail étudiant », paru en 2007, a même établi que le fait de concilier une activité professionnelle avec ses études pouvait être très positif, notamment parce que cela facilite l’accès à l’emploi de ces jeunes.

Ces dernières semaines, à l’approche des élections étudiantes au Crous, un pas de plus a été franchi vers le sensationnalisme. Le syndicat d’extrême gauche Sud-étudiant a lancé le premier pavé avec sa campagne sur la prostitution étudiante. D’après lui, plus de 40 000 étudiants se prostituent pour financer leurs études, ce qui représenterait plus de 3 % des inscrits à l’université. Malgré, le caractère très caricatural et totalement invérifiable de ces données, les médias s’en sont fait l’écho. Du coup, d’autres syndicats, sacrifiant la vérité et la mesure sur l’autel de leurs intérêts électoraux, se sont emparés de ce sujet « vu à la télé ». Certains ont même surenchéri : « face à la crise du logement, certains propriétaires exigeraient des étudiantes des faveurs sexuelles en échange d’une location ». Si, quelques cas de ce type existent, ils sont heureusement très anecdotiques et relèvent plus de problèmes de mœurs que d’une situation de précarité généralisée des étudiants qui les contraindraient à de telles extrémités.

La situation est, d’ailleurs, perçue très différemment par les principaux intéressés : 72 % des étudiants se déclarent optimistes quant à leur avenir, ils sont 74 % à être satisfaits de leur condition de vie, d’après le baromètre de la vie étudiante réalisé par l’institut « opinionway » le 26 février dernier. Le contraste entre l’optimisme des étudiants et le catastrophisme de ceux qui prétendent les représenter est frappant. Les étudiants ont une vision bien plus conforme à la réalité. En effet, l’observatoire de la vie étudiante relève que « les étudiants en situation de pauvreté grave sont moins nombreux en 2006 qu’en 2003 ». « La hausse des aides aux étudiants au cours de la période 2000-2006 concerne aussi bien les bourses que les aides au logement. Le pourcentage de bénéficiaires s’est accru dans les deux cas (de près de 3 points de pourcentage) et les montants distribués ont augmenté. Le montant des bourses sur critères sociaux a connu une forte revalorisation au début des années 2000 et le montant moyen de l’ALS a crû de 20 % sur la période 2000-2006. » Alors pourquoi un tel décalage entre la réalité et les attaques des syndicats étudiants ? La période électorale, qui débute dans les universités avec le renouvellement des conseils centraux des universités et des conseils d’administration des Crous, n’est sans doute pas étrangère à cela.

On pourrait, comme beaucoup l’ont fait jusqu’à présent, accepter ces caricatures au motif que cela fait parti du jeu et n’a rien de nouveau. Ce serait ne pas avoir conscience des risques que font courir de telles « habitudes » pour l’université française et ses étudiants.

Premier risque, celui de l’image : au moment, où nos universités sont à la traîne dans les classements internationaux et que les meilleurs étudiants et professeurs étrangers désertent nos établissements, on peut craindre que l’autoflagellation et la caricature ne soient pas les meilleurs outils pour redorer l’image de nos diplômes.

Second risque, celui de se tromper de diagnostic sur les solutions et les réformes à apporter. En effet, le misérabilisme et le catastrophisme fonctionnent comme des écrans de fumée qui empêchent de voir les réels problèmes que rencontrent les étudiants. Si on les interroge, leurs priorités apparaissent clairement : en première position c’est la question de la professionnalisation des études et de leur insertion sur le marché du travail qui préoccupe 57 % étudiants. Ce pourcentage monte à 63 % chez les littéraires et les économistes. En second lieu, la question du pouvoir d’achat les inquiète à 49 %, suivi de celle du logement (44 %). La question du logement est vécue beaucoup plus difficilement par les étudiants qui ne vivent pas chez leurs parents. Il convient donc de répondre précisément à ces attentes et ne pas se contenter de recycler les vieilles lunes de la gauche étudiante avec la création d’un salaire étudiant ou d’une allocation d’autonomie qui poseraient plus de problèmes qu’ils n’apporteraient de solutions.

Changer le logiciel des syndicats étudiants et de personnels

L’enseignement supérieur français dispose de nouveaux outils avec la loi LRU et de nouveaux moyens financiers avec la programmation de près de 20 milliards d’euros de crédits en 5 ans. Ce sont des opportunités à saisir pour engager des réformes. On ne peut que regretter, que les syndicats de personnels, suivis par la majorité des syndicats étudiants n’aient pas perçu ce changement et continuent de fonctionner avec le même logiciel, les mêmes slogans, les même revendications : toujours plus de moyens, toujours plus de postes…

La question que l’on doit se poser aujourd’hui est celle de l’allocation la plus juste et la plus efficace des moyens nouveaux qui vont être consacrés à l’enseignement supérieur. Il est nécessaire de changer de méthodes, de s’ouvrir, de regarder comment nos voisins européens ont résolu certains problèmes que nous rencontrons en France : comment l’Allemagne a mis en place un système de bourses sur critères sociaux performant et sans effets de seuils, comment la Hollande a répondu au problème du logement étudiant, comment la professionnalisation des études s’est développée en Allemagne, comment le travail des étudiants salariés est reconnu en Italie…

Pour répondre aux problèmes concrets que rencontrent les étudiants, il convient de sortir de l’impasse dans laquelle nous entraînent les exégètes du misérabilisme pour proposer des solutions innovantes comme l’ont fait, avant nous, d’autres pays. Cela nécessite de sortir des schémas traditionnels, comme par exemple pour le logement. Comment comprendre la résistance des syndicats qui s’opposent à la proposition de l’UNI consistant à sortir du monopole des Crous pour la création de logements étudiants en s’appuyant sur les collectivités locales et les universités, si ce n’est par pur conservatisme. Cette proposition a été, depuis, reprise par de nombreux acteurs et a fait l’objet d’un avis favorable du conseil économique et social en février 2008.

Il faut aussi faire preuve d’imagination et innover, pour répondre aux problèmes liés au pouvoir d’achat des étudiants, l’UNI propose depuis quatre ans, la mise en place d’un ticket de restauration étudiante fonctionnant sur le modèle de ce qui existe pour les entreprises.

Enfin, il faut recenser les bonnes pratiques pour les développer. Si l’on veut améliorer la professionnalisation de nos études, il faut s’inspirer de ce qui fonctionne en Allemagne, mais aussi dans les écoles françaises : apprentissage, réseau d’anciens, rapprochement avec les entreprises…

Avec la mise en œuvre de la loi LRU et l’effort budgétaire qui l’accompagne, les cartes ont été redistribuées. La communauté universitaire (professeurs, présidents et étudiants) dispose d’atouts nouveaux. C’est à elle, désormais, de jouer afin de tenter de gagner la partie de la société de l’intelligence

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