Ankara sans voile…

Par UNI Archives

Le 12 octobre 2005 à 16h09

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Le Livre d’Alexandre DEL VALLE et d’Emmanuel RAZAVI nous montre que la Turquie ne renoncera jamais à son identité islamo-ottomane. Indispensable !

Article de Humbert RAMBAUD, in Valeurs Actuelles n°3592 du 30 septembre 2005.


Ceux qui hésiteraient encore à refuser à la Turquie le statut d’Etat européen, ou qui, pétris de bons sentiments, souhaiteraient cette arrivée au nom de la “fraternité universelle“, doivent lire d’urgence l’ouvrage d’Alexandre DEL VALLE et d’Emmanuel RAZAVI. Cette fois, l’expert en géopolitique qui s’était déjà illustré avec La Turquie dans l’Europe, un cheval de Troie islamiste (Syrtes, 2004), et l’homme de terrain, spécialiste des réseaux islamiques, ont conjugué leurs talents pour nous livrer, non un réquisitaire mais les clés du débat. Celui qui a été sciemment occulté par les instances européennes, “celui des limites et de l’identité de l’Europe“.

Ils veulent en finir avec l’angélisme et la langue de bois sur la négation de l’Europe comme “club chrétien” au profit d'”une nouvelle identité fondée sur les principes abstraits de l’universalisme humaniste”. Qu’on le veuillent ou non, écrivent-ils, notre Europe est marquée par une “idée fondatrice”, celle de VALERY qui considérait comme européen “tous les peuples qui ont subi au cours de leur histoire les trois influences que je vais dire : celle de rome, du christianisme et de la Grèce“. Et, à fortiori, de se demander une fois pout toutes qui est vraiment la Turquie d’aujourd’hui. rien de plus révélateur, à cet égard, que la réflexion d’un turc cultivé affirmant que “votre Europe n’est pas notre Europe ; votre culture n’est pas ma culture ; quant à votre religion, c’est la même chose. Je n’en veux pas“.

Au moins, les choses sont dites car, expliquent-ils, les Turcs sont avant tout des Turcs, “anciens sujets d’un grand Empire musulman ayant dominé la Méditerranée, humilié les Arabes, vaincu les Perses et menacé l’Europe pendant cinq siècles“. Aussi, le fait que la Turquie passe pour le berceau de la chrétienté doit être “recadré“.

S’il est exact que Saint PAUL est né à Tarsus, cela ne doit pas rendre l’Europe judéo-chrétienne “aveugle et amnésique“. C’est oublier la prise de constantinople, Lépante… Du passé ? Non, toujours d’actualité, car les chrétiens -et plus généralement tout ce qui non musulman- continuent d’être mis sous l’éteignoir. Tant il est vrai qu’ils ne sont pas considérés comme de vrais Turcs. En 1880, 30% de la population était chrétienne, contre 0,2% aujourd’hui. Quant aux Arméniens, leur génocide est toujours nié. La Turquie a même renforcé son arsenal juridique, condamnant à six ans d’emprisonnement toute personne affirmant l’existence du génocide arménien ou demandant le retrait de la Turquie du nord de Chypre. Car l’affaire chypriote, affirment en substance les auteurs, est le signe que ce pays n’a pas renié sa volonté de pénétrer en Europe. Et que dire des droits de l’homme dans ce pays où les crimes d’honneur sont une coutume admise ?

Où est donc la turquie tolérante, laïque, que l’on nous vante ? Elle a existé de 1923 à 1950, au moment où KEMAL ATATURK abolit le califat, mais cesse à “la victoire du Parti Démocrate, artisan de la réislamisation du pays“. Aujourd’hui, l’islam “s’exprime dans un cadre défini par l’Etat“. Mieux, le pays est devenu une “puissance islamique à part entière“, qui préside depuis 2004 l’Organisation de la Conférence Islamique. Peut-on douter quand 70% des femmes sont voilées, quand ERDOGAN s’est agenouillé, en 2003, devant HEKMATYAR, l’un des chefs de guerre islamistes afghans pachtounes les plus recherchés par les polices occidentales ?

On comprend mieux pourquoi les quatre conditions de 1987 dites de Copenhague posées à la Turquie par le Parlement européen (dont la reconnaissance du génocide arménien, de la République grecque de Chypre) ne peuvent être remplies. Car, soulignent les auteurs, jamais elle ne renoncera à ce pour quoi elle s’est battue depuis des siècles : son identité islamo-ottomane.

Bref, l’affaire touche le coeur même de l’histoire européenne. En acceptant la Turquie, l’Europe “signerait son double arrêt de mort géopolitique et moral… Elle aura perdu son âme et son identité, sacrifiant l’une après avoir renié l’autre“.

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