ARCHIVES : L’Europe de l’enseignement supérieur favorise-t-elle le privé ?

Par UNI Archives

Le 7 juin 2009 à 15h00

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Nous reprenons ici un article paru dans les Dernières Nouvelles d’Alsace le 8 mai 2009, dans la rubrique “Opinions”, qui pose la question de l’éventuelle “privatisation” de l’enseignement supérieur. Les auteurs de l’article semblent bien craindre ce mouvement, et redouter la concurrence entre établissements. Cet article nous intéresse d’autant plus que l’un de ses deux auteurs est enseignant-chercheur et directeur d’un groupe de recherche à l’Université de Strasbourg…

En juin 1999, les ministres de l’Education nationale de 29 pays européens s’engageaient, en signant la Déclaration de Bologne, à mettre en place, d’ici à 2010, l’espace européen de l’enseignement supérieur. Qu’en est-il dix ans après ? Le modèle plus ou moins envisagé se fonde-til sur l’élitisme, voire, sur la privatisation des établissements les plus performants ? Le point de vue de deux universitaires.

Le procesus d’harmonisation de l’enseignement supérieur en Europe a certes connu un immense succès et induit un processus de réforme généralisé. Mais il semble en même temps fortement contesté par certains, car ressenti come un sous-produit de la globalisation marchande et financière et d’une suprématie du “tout-économique”.

Autant une majorité des élites politiques, académiques et entrepreneuriales loue ce processus, autant un vent de contestation croissant se fait jour, notamment chez les étudiants.

Un tel consensus autour d’u mouvement de standardisation de l’organisation des cursus académiques afin de faciliter la libre circulation des étudiants et des professeurs était-il nécessaire il y a dix ans ? Le processus ne cache-t-il pas une part de non-dit très en phase avec l’esprit des années 90 ? Qui plus est, puisqu’il est organisé sur la base d’une coopération inter-étatique flexible, n’est-il pas un excellent alibi pour faire passer une série de réformes qui n’ont, à priori, rien à voir avec Bologne ?

Prépare-t-on une privatisation plus généralisée ?

Le non-dit de Bologne, c’est la conviction que les économies européennes sont entrées dans l’ère de l’économie de la connaissance et que l’organisation nationale et très “service public à l’ancienne” n’est plus pertinente face aux nouveaux défis.

A l’aune de son dixième anniversaire, il apparaît que Bologne est, à sa manière, l’occasion de mettre en place de pareilles réformes dans l’Europe entière. Si oui, il reste une ambiguïté que l’avenir devra lever : va-t-on mobiliser les universités sous le contrôle des Etat-membres dans le cadre d’un jeu concurrentiel pour renforcer leur système académique national ? Ou vise-t-on plus haut et cherche-t-on à créer à l’échelle européenne un système européen d’enseignement supérieur en concurrence régulée sur bases d’objectifs définis par des entités comme la Commission européenne ?

Plus encore, n-est-on pas en train de se préparer à une privatisation plus généralisée, c’est-à-dire à préparer la constitution d’institutions de taille et de notoriété mondiale qui pourraient, sans appui massif des Etats et sur fonds privés (par exemple via des frais d’inscriptions à l’américaine), faire face à la compétition internationale ?

Que reste-t-il de la formation de masse ?

Si oui, un malaise latent existe bel et bien, car la vision dominante de l’après-guerre, à savoir la formation de masses d’étudiants dans un esprit démocratique de promotion sociale (non exclusivement perçu en termes économiques, mais aussi de citoyenneté critique) entre partiellement en tension avec l’objectif d’excellence internationale et d’allocation des ressources rares.

Pour caricaturer et en attendant de célébrer l’anniversaire de la Déclaration de Bologne, nombre de citoyens auront sans doute ce curieux sentiment que les politiques publiques et universitaires affichées tendent surtout à privilégier une cible de 5 à 10% d’étudiants et de chercheurs d’élite, excellents et extrêmement mobiles. Dès lors, que les universités au profil plus local et la masse des tudiants, qui savent ne pas appartenir à l’élite de demain, s’inquiètent est sans doute inévitable.

Quoi qu’il en soit, il demeure fort regrettable que dans les nombreux débats en cours, on n’explicite que très rarement ou partiellement ces questions issues d’ailleurs des choix déjà opérés par le passé, plus ou moins consciemment, par nos représentants nationaux, cosignataires de la Déclaration de Bologne de 1999 et acteurs de son suivi.”

Jean-Luc DEMEULEMEESTER, professeur à l’Université libre de Bruxelles ; Claude DIEBOLT, directeur du BETA-UMR 7522 du CNRS à Université de Strasbourg, directeur de recherche au CNRS.

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