ARCHIVES : “On crève que tout vienne d’en haut”

Par UNI Archives

Le 8 juin 2009 à 14h59

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Entretien avec Jacques MARESCAUX, auteur du rapport national sur les CHU, professeur en Médecine à l’Université de Strasbourg, chirurgien, directeur de l’Institut de Recherche contre le Cancer de l’Appareil Digestif (IRCAD).


Nous vous proposons ci-dessous l’entretien donné par le professeur Jacques MARESCAUX aux D.N.A., paru le 12 mai 2009 dans la rubrique Santé. Cet entretien nous informe aussi sur le système de santé français actuel, qu’il est question de réformer encore, et l’état de la recherche théorique et pratique française en mdecine. La qualité remarquable de l’homme donne à ses dires un poids considérable, et une pertinence incontestable.

Cinquante ans après leur naissance, les centres hospitalo-universitaires (CHU) créés par Robert DEBRE font l’objet d’un diagnostic au scanner par le professeur Jacques MARESCAUX, chargé par Nicolas SARKOZY de “ré-inventer” un modèle médical au bord du collapsus. Convictions et espoirs d’un médecin confronté, au quotidien, aux grands hôpitaux et à leurs petites misères.

D.N.A. : Dans votre rapport, beaucoup de propositions : est-ce le grand ménage de printemps du C.H.U. ?

J.M. : Oui et non. A y regarder de près, le gros changement réglementaire concerne la gouvernance -partie que toute la commission a jugée la plus importante. On a travaillé pendant quatre mois, fait plus de 120 auditions, comparé ce qui marchaitn ou pas, en France ou ailleurs. Avec ce constat frappant : tous les modèles ayant à la fois un bilan financier positif, une recherche biomédicale performante et une formation de haut niveau ont adopté une gouvernance très universitarisée et médicalisée. Pour nous, c’est donc un grand progrès que la tutelle d’un directeur général puisse relever de plusieurs ministères.

D.N.A. : N’avez-vous la dent dure ?

J.M. : Ce n’est pas la question. Le seul rapport que le directeur général avait à produire, c’était son équilibre financier, jamais on ne lui a demandé de comptes sur le nombre de brevets, l’innovation, le niveau de recherche biomédicale… Les changements proposés vont modifier l’état d’esprit de celui qui est au plus haut niveau de l’hôpital.

D.N.A. : N’y a-t-il pas antagonisme entre le projet BACHELOT, pour un super-directeur, et votre idée de collégialité à la tête des C.H.U. ?

J.M. : Nous avons travaillé avec le ministre de la Santé, avec Madame BACHELOT que j’ai vue plus de six fois, avec son directeur de cabinet, avec le ministère de l’Enseignement supérieur : tout ce qui était éCHU avait quasiment été liminé de la loi BACHELOT, peut-être pour de problèmes de temps. Mais le changement de gouvernance, en vue d’une cohésion avec le corps universitaire et médical, a été accepté aussi bien par le ministère de la Santé que par le ministère de l’Enseignement supérieur et de la Recherche, Madame Valérie PECRESSE. Ce qu’on pourrait regretter, c’est qu’on ne nous ait pas confié cette mission plus tôt, avant que la loi BACHELOT ne soit discutée.

D.N.A. : Si, comme il vous l’a été dit en Angleterre, la qualité des soins dans les C.H.U. est l’une des meilleures au monde, où est le problème ?

J.M. : Il faut pouvoir garder ce niveau. Or, ce qui pèche est qu’un C.H.U. assure des soins au présent, tout en devant préparer ceux de l’avenir. La recherche dans le secteur biomédical, dans les sciences du vivant, a toujours été affichée depuis vingt ans comme une priorité nationale… ce qui n’a jamais été suivi d’effets.

D.N.A. : Votre C.H.U. idéal se situerait où, par rapport aux organismes actuels de recherche ?

J.M. : L’énorme problème en France est qu’il y a trop de guichets. Avec la loi, extraordinaire, qui donne une autonomie aux universités, leurs présidents peuvent décider de manière autonome d’une stratégie de recherche. Nous partons du principe qu’avec cette loi, avec la montée d’une seule grande agence des sciences du vivant, et donc d’un guichet unique, se posait la question d’une stratégie de recherche biomédicales dans les C..U. en France. Il n’y a pas assez de passerelles entre le ministère de l’Enseignement supérieur et de la Recherche et le ministère de la Santé.

D.N.A. : La période de crise actuelle est-elle propice à vos ambitions ?

J.M. : Trois rapports, tous économiques, faits aux Etats-Unis, en Australie et en Angleterre, estiment qu’il ne pouvait pas y avoir de meilleur investissement, y compris en période de crise, que dans le biomédical.

D.N.A. : Pour le patient, quelles perspectives de “retour sur investissement” ?

J.M. : Dans les trente dernières années, toutes les grandes avancées médicales et chirurgicales sont intervenues grâce aux C.H.U. Pas de meilleures plates-formes de progrès, qui vont de la paillasse au lit du malade, avant de retourner chez l’industriel, etc. La triple mission des C.H.U. -soigner, rechercher, enseigner- doit être maintenue. Mais une même personne ne peut plus les assumer simultanément.

D.N.A. : Les temps sont durs, les budgets serrés. Quelle part de vos propositions passera à concrétisation ?

J.M. : Je suis un optimiste, je pense que tout peut passer. Il ne faut rien imposer, mais proposer aux C.H.U. des essais pilote, puis voir si ça marche. L’une de nos propositions est de créer des Instituts Hospitalo-Universitaires (I.H.U.). Dans chacun, il y a une thématique, voire deux, vraiment de pointe. Il faut labelliser, dans les 29 C.H.U. en France, les activités qui font référence dans le monde entier. Ca ne demande pas d’argent, juste une concentration des moyens. Le drame est que tous les C.H.U. veulent tout faire. S’il est hors de question d’en supprimer, parce que politiquement ce ne serait pas le moment, il ont intérêt à se regrouper.

D.N.A. : On retrouve dans le rapport la notion de mérite personnel, qui vous est si cher… Compatible avec la culture hospitalière ?

J.M. : C’est difficile. En france, l’volution des carrières, dès que les gens sont dits fonctionnaires, se fait le plus souvent à l’ancienneté. Or, l’hôpital n’est pas une administratio comme une autre. Il me paraît évident que l’évolution des carrières doit se faire au mérite, aux plus performants, à ceux qui publient le plus. Les internes, les chefs de cliniques, les syndicats, sont demandeurs.

D.N.A. : En quoi votre expérience strasbourgeoise a-t-elle inspiré ou motivé, au moins en filigrane, votre rapport ?

J.M. : On y retrouve pas mal de choses notamment qu’il faut des thématiques, des zones d’excellence par C.H.U. J’ai vu, en comparant l’I.R.C.A.D., qui est extrêmement flexible et facile à gérer, à l’hôpital, qui est un monstre, qu’il y avait ue réelle aspiration à davantage de décentralisation. Un chef de pôle ou de département hospitalo-universitaire doit pouvoir le gérer, avec son administrateur, dans la perspective d’un retour des bénéfices réalisés. Pour les consacrer soit à du matériel soit à des recrutements. Or,on crève, mais vraiment on crève, de notre système français centralisé où tout vient d’en haut. Donner une grande souplesse à ces départements ou à des pôles, tout le monde le veut. Ce n’est pas une grande révolution.

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