Entretien avec Xavier Raufer

Par UNI Archives

Le 9 novembre 2005 à 14h58

UNI

Je partage l'article

X. Raufer est criminologue, chargé de cours à l’institut de criminologie de l’université Paris II, directeur des études du département de recherche sur les menaces criminelles contemporaines et auteur de nombreux ouvrages, dont « l’énigme Al-QAIDA » (2005) aux éditions JC Lattès, « Sur la violence sociale » (1983) édition Pauvert Alésia, et le Que Sais-Je « Violences et insécurité urbaines » qui vient d’être réactualisé. Pour plus de renseignements


Depuis plusieurs jours, certaines banlieues françaises sont le théâtre d’affrontements et de véritables scènes de guérilla urbaine. Ce phénomène semble revenir en France de manière cyclique. Comment expliquez-vous cela ?

Effectivement, ce n’est pas d’hier que ces phénomènes sont apparus en France. J’ai, d’ailleurs écrit un livre sur le sujet dès 1983, « Sur les violences sociales ». C’est une situation durable qui s’est enkystée faute de solution de fond. Elle est au mieux temporairement contrôlée, et ce depuis 20 ans. Cette situation est unique en Europe. Si dans les pays voisins, la presse publie, ces derniers jours, des articles « abasourdis », c’est qu’ils ne peuvent pas comprendre ce phénomène qui n’existe pas chez eux. La Belgique avait, certes, connu de semblables événements, mais le problème a été résolu dans l’année. Le fait que cela dure depuis plus de vingt ans fait de la France un cas unique.

Les témoignages de la police font état de bandes très organisées, souvent composée de mineurs et quelquefois puissamment armées. Comment se fait-il qu’il soit aussi facile de trouver des armes en banlieue ?

L’origine du problème remonte à près de cinquante ans. A la fin des années cinquante et au cours des années 60, une partie de la population française a bougé. Auparavant, les Français vivaient soit à la campagne, soit dans les villes. Au moment des trente glorieuses, une grande partie de la population française s’est déplacée vers la périphérie des villes. Les Français ont quitté la campagne pour trouver du travail et se sont installés dans les périphéries, d’autres ont quitté le centre ville pour des raisons liées au cadre de vie. Ils pensaient trouver plus de place et de verdure à la périphérie des villes. Toujours pendant les trente glorieuses, afin de répondre aux besoins de l’économie, la France a fait venir de nombreux immigrés. En tant que criminologue, je ne me prononce pas sur la pertinence économique de ce flux migratoire, mais ce qui est sûr, c’est qu’il fallait éviter d’entasser tout ce monde dans des banlieues et les oublier là pendant plus de vingt ans. Or rien n’a été entrepris en dehors de mesures cosmétiques de politique de la ville.

Pendant 20 à 30 ans, des français et des immigrés s’installent donc dans la périphérie des villes, sans que rien ne bouge au niveau administratif, notamment en matière de déploiement des forces de l’ordre. La police s’occupe des centres ville, la gendarmerie des campagnes, et la périphérie urbaine reste à ce niveau un « noman’s land ». Le dernier plan d’implantation des commissariats sur le territoire français date de 1942. Depuis, chaque projet de redistribution s’est heurté à la volonté des syndicats. Personne n’a osé passer outre. Les gouvernements se sont ainsi passés la « patate chaude » durant toutes ces années. Du coup, « La France périurbaine n’est pas policée ».
Quand Napoléon a tissé un maillage territorial en implantant sur l’ensemble du territoire des gendarmeries, la criminalité s’est effondrée. Or, il est à peine exagéré de dire que pour quelqu’un qui est né dans les années soixante et qui vivait en banlieue, pendant quinze ans, il avait plus de chances de voir une soucoupe volante qu’un uniforme.

Aujourd’hui, il est encore, en été, plus facile de trouver de l’héroïne qu’une boulangerie ouverte dans certains quartiers.
Plusieurs générations n’ont pas été policées. Elles oscillent entre l’apathie, que certains hommes politiques analysent comme des périodes de calme où les problèmes semblent résolus et des périodes d’embrasement émotionnel, où les banlieues s’enflamment en réaction à un événement comme la mort d’un jeune, même si elle est totalement accidentelle, et enfin des périodes des révoltes encadrées par des bandes comme cela se déroule en ce moment.

Depuis 1999, avec l’effondrement de Milosevic, qui avait au moins le mérite de constituer un barrage au trafic venu des Balkans, certains verrous ont sauté. Ainsi, les armes que l’on trouve en banlieues viennent très souvent des Balkans. L’arme qui a servi, par exemple, à tuer Théo Van Gogh aux Pays-Bas avaient été fournie aux islamistes en Bosnie.

Dans ce contexte, tous les projets concernant l’égalité des chances ne pourront être opérationnels qu’au moment ou les entreprises qui décident de s’implanter dans ces quartiers auront l’assurance que leurs investissements ne partiront pas en fumée.

Pour résoudre le problème des banlieues, faut-il poursuivre le traitement social ?

Evidemment oui ! Mais le rétablissement de la sécurité est un préalable. Quand quelqu’un a 40 ° de fièvre, avant de l’emmener chez un maquilleur pour qu’il ait meilleure mine, il faut faire baisser durablement la fièvre. Dans les banlieues, la présence policière doit, elle aussi, se penser dans la durée. Les incursions policières ponctuelles ne permettront pas de faire durablement tomber la fièvre. Après une semaine, les trafics reprennent et l’économie souterraine prospère de nouveau.

En 1996, j’ai rencontré un dealer de haschich, c’était un demi-grossiste. Il fournissait environ 50 kg de hasch par semaine, cela lui permettait de gagner jusqu’à 7 millions de francs par an, le tout en liquide et donc non imposable.

Comment alors expliquer qu’il est préférable pour lui de poursuivre des études, ou d’accepter de travailler pour le SMIC ? Aucun programme en faveur de « l’égalité des chances » ne pourra être efficace avant que l’on ait mis fin au mirage de cette économie parallèle.

Que pensez-vous de la fatwa lancée par l’UOIF pour appeler au calme, cette volonté de communautariser le problème n’est -elle pas à terme dangereuse ?

Ce n’est qu’un pur affichage médiatique. L’UOIF ne contrôle pas ces bandes. Les casseurs et les trafiquants sont loin d’être des islamistes, ce qu’ils désirent c’est gagner beaucoup d’argent, conduire de grosses voitures, et se fournir en drogue. Ils fument du hasch et se saoulent ! Ils sont loin des moines soldats !

En Afghanistan, j’ai rencontré de véritables islamistes. Ils sont très différents. Le dogmatisme est finalement une histoire d’intellectuel. A ce propos, il est bon de rappeler que Ben Laden n’a jamais vécu en banlieue, loin de là !

Les articles que vous risquez d'apprecier...

Article lié -

L’UNI devant Sciences Po pour dénoncer la venue de Jean-Luc Mélenchon

Article lié -

Européennes : les sections organisent des conférences avec les différents partis

Article lié -

État actuel de l’Université : censurer l’UNI plutôt que de confronter ses idées