Géopolitique de la terreur : Le terrorisme d’État

Par UNI Archives

Le 26 novembre 2008 à 19h14

Image Géopolitique de la terreur : Le terrorisme d’État

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Je dois vous parler de la géopolitique de la terreur c’est-à-dire, en gros, du terrorisme. On peut tout dire là-dessus. Tout a été dit d’ailleurs, y compris des choses justes. J’éprouve de la nostalgie lorsque je parle de terrorisme, ayant œuvré, il y a bien longtemps dans ce domaine. J’ai la nostalgie de ce qu’était le terrorisme d’Etat.


Finalement c’était beaucoup plus clair pour nous tous. On savait à peu près ce qui se passait, qui nous mettait des bombes ou qui tuait nos ambassadeurs, le tout était de savoir si on réagissait. D’ailleurs, on ne réagissait pas tellement. Le paradoxe est de découvrir qu’au fond, aujourd’hui, il y a une guerre mondiale qui est déclenchée. Une guerre à intensité basse, bien sûr. On peut dire : «ce n’est pas la guerre mondiale», mais on peut dire aussi que c’est la troisième ou la quatrième. C’est plutôt mon avis. Les deux premières, on les connaît, la troisième a été la guerre froide qui est une forme de guerre mondiale, à basse intensité. Je pense que nous sommes véritablement entrés dans un cycle de quatrième guerre mondiale.

Un cycle de quatrième guerre mondiale

Il y a un paradoxe, parce qu’on sait à peu près quand cela a commencé, mais ce qu’il y a de certain, c’est que l’on n’en connaît pas la fin. La première guerre mondiale, on pressentait, fin 1917, début 1918, que cela allait se terminer. En 1944, après le débarquement, on pensait bien que les carottes étaient cuites pour les occupants allemands. Par contre là, cela a commencé il y a quinze ans et on ne sait absolument pas comment cela va se terminer. Puis, plus grave, on ne sait pas qui va gagner. C’est ce que j’ai appelé le paradoxe. Il y avait le bon temps du terrorisme d’Etat et on ne peut pas oublier ce qui s’est passé avec notre pays. Il y a eu ce que j’appelle l’expérience syrienne et ensuite l’expérience iranienne.

Terrorisme d’ÉTAT : l’expérience syrienne

15514_une-bashar2.pngLa Syrie, toujours la Syrie éternelle, n’a jamais accepté que la France soit présente dans une partie du monde qui s’appelle le Liban. Il se trouve que la France, peut-être depuis François 1er, et en tout cas depuis le mandat, s’estime un devoir historique d’être présente au Liban et de protéger, selon les périodes, une partie du peuple libanais. La Syrie nous a fait passer bien des messages à la fin des années 70 en disant : «Ecoutez, vous êtes gentils les Français, mais ce n’est pas votre job, moi j’ai envie de faire la grande Syrie et cela inclut le Liban».
Nos gouvernements successifs, dans la mesure où ils croyaient au rôle historique de protection du Liban, se sont fait tirer l’oreille pour comprendre. On a assassiné notre ambassadeur, et nous n’avons pas compris. On a fait sauter le PC du Drakkar et tuer de nombreux militaires Français, nous n’avons toujours pas compris. Cela a été plus loin. Je fais partie de ceux qui pensent que, dans l’opération contre le DC 10 qui a explosé au dessus du Ténéré et qui a fait 170 morts, même si on a des raisons de penser qu’il y a la main gauche libyenne dans l’affaire, c’est surtout la main droite syrienne qui en est le commanditaire. Pour des raisons très simples : c’est que, là aussi, on nous avait fait passer le message d’avoir à déguerpir du Liban et nous n’avons pas compris. Puis finalement, on a déguerpi. Comme les Américains, mais plus tard que les Américains. On a laissé les Libanais entre eux, on voit d’ailleurs le résultat.

Le grand problème, c’est que, aujourd’hui, on revient. On a voulu protéger M. Hariri, peut-être à juste titre au demeurant, et du coup on a une politique à nouveau interventionniste, on pourrait presque dire exhibitionniste, au Liban. Je peux vous dire que cela se passera mal aussi. Cela se passera mal parce que la Syrie n’a pas changé. Si nos politiques changent parfois, la leur est d’une constance extraordinaire. Le fils Assad a succédé au père, mais l’équipe qui est autour est exactement la même et ils sont là pour nous faire payer notre présence. On va la payer d’autant plus durement que nous sommes très exposés puisque nous avons envoyé près de 1.500 soldats pour protéger la partie du sud Liban.

C’était l’expérience syrienne et nous avons pratiqué une politique étrangère : un pas à gauche, un pas à droite. Après avoir tenté d’amadouer M. El-Assad et son équipe, on vient de divorcer à nouveau d’avec la Syrie, à juste titre, on s’en doute, ment les Syriens n’ont jamais eu l’intention de céder quoi que ce soit sur le Liban. Nous voilà donc à nouveau en dans un nouveau processus face à un terrorisme d’Etat qui est le terrorisme d’Etat syrien, car la Syrie a toujours été et sera encore pendant longtemps le grand Etat terroriste dans le monde.

Terrorisme d’ÉTAT : l’expérience iranienne

iran.pngIl y a aussi l’expérience iranienne. Elle est beaucoup plus intéressante, parce que vous êtes nombreux à ne pas savoir que nous étions en guerre en 1983. Vous ne saviez pas qu’on avait déclaré la guerre à l’Iran. Personne ne le savait ici. Je vous rassure, les ministres des Affaires étrangères français non plus et les ministres de la Défense encore moins. Eh oui, on avait déclaré la guerre à l’Iran, grande nation ! Pour différentes raisons, on avait commencé par ne pas rembourser de l’argent qu’on leur devait. Ils tapaient à la porte en disant : «rendez-nous notre pognon», on faisait semblant de ne pas entendre. Ce n’est pas une raison pour déclarer la guerre, mais il y avait autre chose. On protégeait à Auvers-sur-Oise un groupe terroriste, les Moudjahidines du Peuple, qui trucidait régulièrement des mollahs. Nous les protégions, surtout madame Mitterrand d’ailleurs. Ils étaient intouchables et les Iraniens avaient tendance à nous dire : «mettez-les à la porte, ne les laissez pas faire». On les protégeait au nom des Droits de l’Homme, c’est le paradoxe. Surtout, la diplomatie française et la défense nationale française avaient pris le parti très simple qui était de soutenir le président irakien. Il y avait un grand conflit Iran–Irak, une véritable guerre, et même une véritable guerre de tranchées, qui ressemblait un peu à la guerre de 1914 – 1918, et dans lequel on avait pris le parti de l’Irak contre l’Iran. On avait même été très loin, puisqu’un jour Saddam Hussein avait décidé de mener ce qu’il appelait la guerre des raffineries qui consistait à bombarder les raffineries iraniennes pour priver l’Iran de sa ressource principale issue de l’exportation du pétrole. On a déshabillé l’aéronavale française des super-étendards tous neufs qui étaient armés de missiles Exocet, pour habiller le président irakien. Avec tout cela, les super-étendards confiés à l’Irak sont allés bombarder, d’après les iraniens, les hôpitaux etc. ; on était en guerre avec l’Iran.

L’Iran nous avait déclaré la guerre aussi d’une certaine manière. Ils n’avaient pas envoyé des divisions blindées, parce que c’était compliqué de traverser le Bosphore pour arriver chez nous. Alors, qu’est-ce qu’ils ont fait ? Ils ont choisi la stratégie qui a consisté à nous prendre des otages. On a commencé par récupérer quelques otages français, c’étaient messieurs Kaufman, Normandin etc., qu’on a mis dans des culs de basse fosse à Beyrouth ouest, et nous ne comprenions toujours pas. Alors, ils ont commencé à mettre des petites bombes à Paris puis des plus grosses bombes à Paris et nous ne comprenions toujours pas. Un jour, l’enquête a révélé que le réseau était iranien. Enfin, quand je dis qu’il était iranien, il était composé de maghrébins qui agissaient pour le compte du Hezbollah, qui lui-même agissait pour le compte de l’Iran parce que, bien évidemment, l’Iran, à la différence de certains, n’est pas assez stupide pour se faire prendre la main dans le sac. Ils utilisent des organisations écrans ou des individus qui vivent dans le pays dans lequel on veut porter le feu. Après tout cela, nous avons compris que nous, Français, avions déclarés la guerre à l’Iran. Il a donc fallu, d’une certaine manière, sceller la paix. Cela a été aussi l’occasion de discussions d’antichambre : on a payé nos dettes, on a fait semblant d’embêter les moudjahidines d’Auvers-sur-Oise et puis, Saddam Hussein et l’Iran, ayant fait une paix provisoire, on a pu faire semblant de récupérer notre matériel et le conflit était terminé. Vous voyez que tout cela est compliqué et que cela peut recommencer n’importe quand.

J’ai encore un motif d’inquiétude à l’égard de la politique étrangère de la France : je la trouve bizarre. Je me rends compte que l’on vient de déclarer qu’on allait installer une base navale à Abu-dhabi juste en face de l’Iran, comme si nos intérêts vitaux étaient en jeu. Peut-être qu’effectivement il est intéressant d’aller vendre quelques matériels militaires supplémentaires aux Emirats Arabes Unis, mais cela peut être considéré par l’Iran comme une forme de menace de la France. L’Iran ne nous enverra pas de divisions blindées car il n’en a toujours pas les moyens, quoique maintenant il commence à avoir des moyens supplémentaires par rapport à 1988. D’ailleurs, quoi que l’on fasse, quels que puissent être les cris d’orfraie poussés par les uns, par les autres, par la France, les Américains, les Allemands, un peu les Russes qui font semblant, l’Iran aura l’arme nucléaire dans cinq ans si on est optimiste, ou, si on est pessimiste, dans trois ans. Personne n’y pourra rien et personne ne fera rien. On ne va pas recommencer à envahir l’Iran comme on a fait pour l’Irak pour priver l’Iran de l’arme nucléaire. Que va faire l’Iran s’il n’est pas content de la France ? Il va utiliser un allié qui s’appelle le Hezbollah, un des bras armés de l’Iran, qui est au Liban et qu’au Liban, on a des militaires avec des chars Leclerc. On a envoyé les militaires français pour désarmer le Hezbollah : il faut espérer que ce n’est pas le Hezbollah qui va nous désarmer.

Je crains que nous soyons, dans les mois, peut-être les années à venir, à nouveau confrontés à ce que j’appelle le terrorisme d’Etat, pour lequel j’ai, au fond, une fausse nostalgie.

Le choc des civilisations

Dans ces affaires de terrorisme, il ne faut pas avoir peur des mots et on a peur des mots. Il y a des mots qui ne sont pas à la mode, qu’il ne faut surtout pas prononcer parce que c’est politiquement incorrect. Il y a un grand mot qui est celui de «choc des civilisations». Choc des civilisations, cela fait peur aujourd’hui. Le précédent pape l’avait utilisé, on lui a dit : ce n’est pas bien, du coup, il l’a retiré. Jacques Chirac l’avait utilisé, il l’a retiré aussi. On n’en entend plus parler mais pourtant c’est peut-être aussi cela qui se prépare aujourd’hui. Il y a sans doute aujourd’hui une minorité de l’Islam intégriste, plus ou moins religieux au demeurant, qui poursuit une opération de prise du pouvoir. Ce n’est pas forcément sur le terrain pour le moment que cela va se passer, mais on est en présence d’une tentative de prise du pouvoir par une minorité violente agissante. Imaginez la zone : elle va du Pakistan, avec l’arme nucléaire, en passant par l’Arabie Saoudite avec le pétrole, jusqu’au Maghreb. Comment cela se passera-t-il ? Je ne sais pas, mais n’ayons pas peur des mots : nous sommes en présence d’un choc de civilisations et surtout de cultures. Car il y a un rejet total de la forme de culture que nous représentons aujourd’hui.
photo_1217709124347-1-0.pngAyons un peu de courage. Nul n’est à même aujourd’hui de nous dire comment nous sortirons de ce piège, même si nous quittons l’Afghanistan. A mon avis, cela ne sera pas suffisant, même si l’Amérique quitte l’Irak. En tout cas, c’est de retraite qu’il faut parler aujourd’hui. L’heure est grave. Ce que l’islamisme révolutionnaire attend de nous, c’est tout simplement que nous quittions une zone qui va de Mindanao, aux Philippines, où l’Islam est particulièrement important, jusqu’à Marrakech.

Est-ce que nous sommes prêts à renoncer ou est-ce que nous voulons résister ? Je vous pose la question. Il y a une phrase : «Il n’y a qu’une fatalité, celle des peuples qui n’ont plus assez de forces pour se tenir debout et qui se couchent pour mourir». Elle est bien sûr du général de Gaulle.

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