En l’honneur des soldats alsaciens morts lors du premier conflit mondial, un article tiré des D.N.A. n°265 du samedi 11 novembre 2006, par Didier ROSE, exposant la situation douloureuse des jeunes Alsaciens morts sous l’uniforme impérial allemand et/ou français…
“On ne se souvient pas en Alsace comme ailleurs de la guerre de 1914-1918. Après l’armistice vint le temps de la commémoration. Partant, celui d’une autre souffrance. Dans une étude très détaillée, Marie-Noële DENIS, en tant que chercheur à l’Université Marc-Bloch de Strasbourg, rappelle le “dilemme que constituait le fait d’édifier, en territoire français, des monuments pour des soldats ayant combattu dans une armée ennemie” -la région ayant été intégrée à l’Empire allemand en 1870.
Ce paradoxe se lit encore sur les monuments aux morts locaux. Bien sûr, l’Alsace a édifié des stèles comme d’autres régions après la guerre. Elle y a d’ailleurs été invitée, au même titre que toutes les régions françaises, par deux lois lui accordant les mêmes subventions. Mais il a fallu pour cela “adapter“le vocabulaire et l’imagerie républicains généralement utilisés ailleurs.
Exemple : “Les représentations réalistes du “poilu” lui étaient interdites et plus encore celles d’uniformes allemands“, même si des exceptions ont été relevées à Kogenheim et à Rosheim. C’est la raison pour laquelle ont été si populaires, sur les monuments alsaciens relatifs à la Première Guerre Mondiale, les représentations des anges de la Victoire, de la Vierge de Lourdes (souvent invoquée pendant les batailles), de femmes en pleurs ou d’hommes blessés…
“Les symboles nationaux ou patriotiques courants, tels le drapeau tricolore, le le coq gaulois ne pouvaient pas figurer sur ces monuments“. Idem pour palmes, lauriers et médailles militiaires, “souvent ajoutés après coup par une association d’anciens combattants“. De telles “particularités“, comme l’indique Marie-Noële DENIS, aisnsi que des préoccupations annexes mais pas si mineures, comme le coût de réalisation, amènent à la multiplication du modèle “obélisque“, en grès des Vosges. Sobre, consensuel.
Malgré ces difficultés, “les monuments aux morts furent édifiés très rapidement après l’Armistice, entre 1921 et 1924 et sans état d’âme“. Peu de communes rechignent. A Niederbronn, les élus “ne veulent pas participer aux frais“. A Puberg, le comité jette l’éponge. A Natzwiller, le conseil municipal décide de faire réparer d’abord l’église… A Bourg-Bruche ou Heiligenberg, la pression des habitants pousse à la construction.
La localisation, aussi, peut poser problème. “A Bischoffsheim, le conseil municipal décide de placer le monument dans le jardin du presbytère. L’évêque s’y oppose“. Avant de céder. A Rosheim, les environs de l’église sont pressentis, puis abandonnés, “car l’édifice est classé et le site est soumis à des contraintes. Il sera finalement construit sur la place de la mairie“.
A Ottrott, la propriété est contestée, “si bien que le monument terminé n’est pas érigé. Il sera placé à côté de l’église“. La recherche d’un site public et accessible ne va pas toujours de soi. Finalement, beaucoup trouveront place dans le cimetière ou sur le parvis de l’église.
Cette évocation républicaine des soldats tombés au combat ne survivra pas toujours aux vicissitudes de l’histoire : dès 1940, les nazis ordonnent l’effacement d’inscriptions susceptibles de rappeler le retour de l’Alsace à la France. Avant de faire disparaître des monuments. D’où la construction d’autres stèles, d’une nouvelle génération, après la Deuxième Guerre Mondiale.”
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