Hommage à Jacques Rougeot, créateur de l’UNI et combattant politique visionnaire

GAROVOX/TRIBUNE – Olivier Vial, président de l’UNI, rend hommage à Jacques Rougeot, professeur de langue française à la Sorbonne et fondateur du syndicat étudiant, décédé le 19 juillet 2021.

Par Olivier Vial

Le 5 septembre 2021 à 16h17

UNI

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FIGAROVOX/TRIBUNE – Olivier Vial, président de l’UNI, rend hommage à Jacques Rougeot, professeur de langue française à la Sorbonne et fondateur du syndicat étudiant, décédé le 19 juillet 2021.

Mai 68. La Sorbonne est occupée, des barricades enflamment le Quartier latin, et les médias applaudissent. À l’Université, d’illustres professeurs, de peur de rater le train de l’Histoire, sabordent eux-mêmes leurs magistères pour «coquiner» avec les apprentis révolutionnaires. Un vertige étourdit la France et ses «élites». Le pouvoir politique, d’apparence solide, semble s’évaporer. La panique se répand. Certains parlementaires désertent Paris ; d’autres, y compris dans les rangs gaullistes, s’interrogent «n’est-il pas temps de tourner la page du Général ?». C’est au moment où le pays est entré, comme le diront certains commentateurs de l’époque, dans un état de «lévitation mentale», qu’une poignée d’universitaires et d’étudiants vont décider de réagir. En première ligne, un jeune enseignant, Jacques Rougeot.

Professeur de langue française à la Sorbonne, gaulliste, Jacques Rougeot, qui vient de nous quitter, fut tout au long de sa vie l’un des piliers de la résistance à l’idéologie soixante-huitarde. Il avait compris que cette poussée de fièvre était le symptôme d’une volonté de subversion et de destruction de ce qu’est l’essence de la France. Il sentait également que ce poison allait continuer à se répandre et qu’il faudrait du temps pour en venir à bout.

En tant qu’universitaire, il aurait pu se contenter d’en analyser et d’en dénoncer les conséquences, mais ce n’était pas sa vision de l’engagement. Pour lui, celui-ci devait être global et s’appuyer sur un alliage solide de convictions, d’analyses et d’actions. Aussi, après avoir participé à l’organisation de la manifestation du 30 mai 1968 en soutien au général de Gaulle, dont le succès a pu faire croire au pouvoir de l’époque qu’il avait gagné la partie, lui n’a pas baissé la garde. Ces journées de mai avaient, selon lui, révélé deux choses: d’abord que la politique est une affaire de tempérament, de «tripes» et que la différence entre ceux qui agissent et résistent et ceux qui sombrent dans l’attentisme ou le défaitisme reste avant tout une question de caractère. Ensuite, que le «monde politique (gouvernement et partis)» est extrêmement vulnérable face à des attaques idéologiques venues des universités qui imposent leur mainmise sur la jeunesse pour mieux l’instrumentaliser.

Après avoir fait ces constats, Jacques Rougeot décida, avec quelques autres rencontrés durant cette période troublée, de créer un instrument adapté, un mouvement capable de livrer efficacement ce combat et de tenir le terrain, surtout lorsqu’il est hostile comme pouvaient l’être les universités. C’est ainsi qu’est née l’Union Nationale Inter-universitaire plus connue sous son sigle UNI. Jacques Rougeot en fut le président durant 42 ans. Il en restera pour toujours l’âme. Conformément à sa vision de l’engagement, il voulut que l’UNI soit «une école du courage», portant haut l’esprit militant. Pour lui, le militantisme devait être une forme d’élitisme: une manière de forger les caractères, de confronter ses idées au terrain, d’apprendre à adapter son action sans jamais renier et perdre de vue ses objectifs.

Le temps, la durée était au centre de sa pensée de l’action. Il savait que les batailles les plus importantes ne se gagnent pas en un jour. Pour pouvoir les livrer, il faut être en mesure de les inscrire dans le temps long. C’est cet esprit qu’il a insufflé aux militants de l’UNI: la permanence des valeurs et des principes, la constance dans l’action et la détermination, individuelle ou collective. Chaque génération de militants poursuit ainsi le combat de celle qui l’a précédée. Si ses efforts ne sont pas immédiatement récompensés par un succès, elle sait qu’elle peut compter sur les générations suivantes pour poursuivre ce qu’elle a entrepris. Jacques Rougeot fut le garant de ces passages de relais. Au fil des années, ce sont plusieurs dizaines de milliers de jeunes qui ont ainsi pu donner du sens et de la force à leur engagement.

La clarté était également sa marque de fabrique. Loin de la langue de bois ou du «volapük technocratique», Jaques Rougeot savait choisir avec soin ses mots pour exprimer le plus simplement et clairement ce qu’il voulait dire. Ses analyses semblaient couler comme l’eau d’une source rafraîchissante, à une époque où le politiquement correct assèche la pensée. Il savait aiguiser ses formules pour qu’elles soient tranchantes. Mais c’est de son humour, ou plutôt de son sens de l’«esprit à la française» que ses adversaires devaient redouter les frappes les plus ravageuses.

Il aimait l’image du fer de lance pour exprimer l’idée qu’il se faisait du rôle de l’UNI dans le combat politique, aiguisé et en pointe. C’est ainsi qu’il fut l’un des premiers à dénoncer la montée du communautarisme, de l’immigration massive, de l’islam politique, de l’écologie radicale ou du politiquement correct.

Les très nombreux messages reçus depuis l’annonce de son décès sont le signe de la profonde empreinte qu’il a laissée sur tous ceux (universitaires, politiques, entrepreneurs, cadres, militaires, étudiants …) qui ont croisé son chemin ou ses écrits. Mais comme il l’avait lui-même annoncé, «l’aventure doit continuer». Le combat est loin d’être terminé, car, la cause pour laquelle nous nous battons est «celle de la civilisation française».

Noble cause, mais vaste programme ! Face à ceux qui veulent déboulonner nos statues, imposer l’écriture inclusive, instaurer une lecture culpabilisante de notre Histoire, et déconstruire notre culture et notre mode de vie, il nous revient plus que jamais de nous engager, car «nous sommes les détenteurs et les garants d’un héritage somptueux qui paraît aller de soi pour les enfants gâtés que nous sommes. Nous avons à son égard des devoirs qui tiennent en quelques verbes : l’aimer, l’accueillir, le préserver, l’enrichir, le transmettre.» Ces mots écrits en 2010 sont un témoin que Jacques Rougeot nous a transmis, à nous désormais de poursuivre le combat avant de passer ce relais à ceux qui nous succéderont. C’est tout l’esprit de l’UNI et l’héritage du Président Rougeot.