La vraie marge d’amélioration de notre système d’enseignement supérieur, c’est de libérer nos universités du carcan administratif

Par UNI Archives

Le 4 octobre 2006 à 20h34

UNI

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Mes chers amis,

Face au processus de mondialisation qui caractérise et interpelle notre époque, l’éducation, la recherche, l’innovation sont des préoccupations fondamentales. On dit d’elles qu’elles sont les clés de notre compétitivité et de notre croissance future. J’en suis naturellement convaincu.

Mais ce que je voudrais commencer par relever ce soir, c’est que c’est d’abord l’épanouissement des hommes et des femmes de ce pays qui justifie que nous fassions de l’éducation et de la connaissance des priorités absolues de notre projet et de notre action future.

L’éducation, nous le savons, est l’instrument privilégié de l’égalité des chances, de l’émancipation des individus et de la formation des citoyens.

Je crois que la connaissance est un rempart nécessaire contre l’obscurantisme, les croyances fausses, les discours faciles. Elle n’est pas seulement un enjeu économique et social. Elle est un enjeu démocratique. Cette connaissance doit être au service de l’humain. Elle n’est pas un but en soi. Elle peut être profitable, mais elle ne doit pas être l’esclave du profit. Elle doit être encadrée par des normes éthiques. Elle doit veiller à rester pluridisciplinaire. Aux côtés de la formation et de la recherche scientifiques et techniques, les lettres, les arts, la philosophie, les sciences humaines doivent continuer à éclairer les consciences, à faire valoir ce qui est beau, à déterminer ce qui est bon, à préciser ce qui est juste. C’est une force historique de l’université et de la recherche françaises que d’avoir excellé dans l’ensemble de ces disciplines.

Je crois à l’enseignement supérieur et à la formation professionnelle comme des moyens de donner aux Français des emplois plus qualifiés, plus valorisants, moins pénibles et mieux rémunérés. Ce sont des leviers de promotion sociale, en même temps que d’amélioration du pouvoir d’achat sur le long terme.

Pour tous ceux qui n’ont pas pu faire d’études supérieures pendant leur jeunesse, je crois au droit et à l’espoir de les entreprendre à 30, 40 ou 50 ans. Créer une société de la deuxième chance est un projet juste, un projet enthousiasmant.

Je crois à la recherche et à l’innovation pour améliorer notre vie quotidienne, inventer les produits qui concilieront le bien-être et la préservation de l’environnement, permettre à la médecine de franchir de nouvelles frontières.

Les espoirs sont réels de faire prochainement des découvertes majeures dans le traitement du cancer, des pathologies neurodégénératives, des maladies orphelines. Les Américains, les Britanniques, certains pays d’Europe du Nord ont investi des sommes colossales dans la recherche biomédicale, qui leur permettent aujourd’hui d’envisager des perspectives prometteuses. Il faut que nous soyons prêts, nous aussi, à exploiter ces avancées.

Ce n’est pas au nom de la compétitivité de notre industrie pharmaceutique qu’il faut le faire, pas seulement en tout cas. C’est au nom du progrès de notre nation et du soulagement des familles. Parce que le cancer, la maladie d’Alzheimer, la maladie de Parkinson sont des drames qui nous concernent tous.

Cela suppose des changements. Le mot « biotechnologies » ne figure même pas dans le projet du parti socialiste. Nous devons en faire une des priorités de notre effort de recherche. Les Etats-Unis leur consacrent la moitié du budget fédéral de la recherche. Le Royaume-Uni compte six fois plus de salariés que la France dans les entreprises de biotechnologie, dix fois plus de sociétés cotées. Il a eu neuf Prix Nobel de médecine depuis 1981, la France aucun.

Je crois enfin que les technologies de l’information et de la communication ont fait naître un « sixième continent », selon la forte expression de Jean-Claude Guillebaud, dont la particularité est d’être « hors-sol », « partout et nulle part à la fois ». C’est un continent d’opportunités et de risques, dont incontestablement nous n’avons pas encore pris la mesure. En permettant à chacun de tout savoir, de n’importe quel endroit où il se trouve, Internet a créé un campus universel, une intelligence collective d’une taille et d’une vitesse inédites.

Mais Internet, c’est aussi une information non triée, non vérifiée, non hiérarchisée qui circule. Le pire y côtoie le meilleur. Le patrimoine culturel de l’humanité y est accessible à tous, mais la propriété intellectuelle y est trop souvent bafouée. Internet entretient et amplifie la mémoire des crimes contre l’humanité, mais il laisse aussi circuler les mensonges négationnistes et la haine antisémite. Internet diffuse l’information sans restriction, mais les atteintes à la vie privée et à l’honneur y sont faciles et durables.

En matière de T.I.C., la France et l’Europe ne sont pas en déclin, mais elles sont en retard, très en retard.

En retard d’abord sur l’équipement. Malgré l’effort de rattrapage fait ces derniers mois, une trop grande partie de nos territoires reste à l’écart d’une vraie couverture en téléphone mobile, wifi et haut débit. L’Europe a libéralisé le secteur des télécommunications, mais elle n’a pas tenu les promesses du service universel obligatoire dont elle refuse d’actualiser le contenu en fonction de l’évolution des techniques. L’accès au téléphone mobile et au haut débit, demain au très haut débit, doit être reconnu comme une obligation de service public sur tout le territoire.

En retard sur les métiers et les filières. 50% de ceux qui travaillent dans le secteur des technologies de l’information et de la communication ont des qualifications qui n’ont pas de rapport avec ces techniques. Nous devons engager un effort important de formation en la matière, en nous appuyant sur une conférence annuelle des filières et des métiers de la société de l’information.

En retard sur le soutien et le financement de nos entreprises innovantes. Et pourtant, nous n’en manquons pas. Ce potentiel de créativité et de compétence, nous courrons le risque de le laisser fuir à l’étranger.

En retard enfin et surtout sur la compréhension des enjeux du développement des T.I.C. Au plus haut niveau de l’Etat et de l’Europe, nous manquons de capacités de réflexion et de réaction stratégiques sur les enjeux culturels, économiques, politiques et démocratiques du développement d’Internet et des techniques qui lui sont associées. Nous restons sans réaction, ou avec des réactions inadaptées, devant la domination sans partage d’Internet par les Américains. La question du rôle d’un moteur de recherche comme Google est, croyez-moi, plus importante que celle de savoir si je suis trop ou pas assez proche des Etats-Unis.

Ce « sixième continent » doit être un espace de liberté, de diffusion de l’information, de partage du savoir. Mais il doit être un continent civilisé. Je crois, vous le savez, que la politique a encore de grandes choses devant elle. Voilà précisément une nouvelle frontière politique pour notre temps. Voilà un domaine où l’Etat et l’Europe ont des impulsions à donner, des initiatives à encourager, des risques à maîtriser. Voilà un domaine où la vie démocratique peut rebondir : c’est aux citoyens d’inventer la société de l’information dans laquelle ils veulent vivre. Ce sont des enjeux sur lesquels les générations futures nous jugeront.

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L’avènement de la société de la connaissance pose à notre pays deux questions principales, qui ont évidemment des liens, mais qui ne sont pas tout à fait les mêmes. La première porte sur la qualité et l’équité de notre système de formation ; la seconde sur le dynamisme de notre système de recherche et d’innovation dans une compétition mondiale d’intensité croissante.

Notre système d’enseignement supérieur donne-t-il à nos jeunes toutes les chances, et des chances égales, de s’insérer dans la vie ? La réponse est non.

Notre université n’a certes pas démérité. Elle accueille presque deux fois plus d’étudiants qu’en 1980 avec des moyens à peine supérieurs. Elle a un taux d’échec beaucoup trop élevé, mais on lui interdit de sélectionner les étudiants et elle subit le contrecoup d’un enseignement scolaire qui a réduit ses exigences. Elle dispense d’excellentes formations professionnalisantes et reste au meilleur niveau international pour l’enseignement des mathématiques, de la physique, de la biologie, de la médecine. La France est ainsi à égalité avec les Etats-Unis et la Russie au nombre de médailles Fields obtenues depuis 1982. C’est bien là d’ailleurs ce qui est désolant : nous formons d’excellents scientifiques, mais nous les laissons partir à l’étranger, à Londres dans les back office de la City, aux Etats-Unis dans les laboratoires de recherche.

Quant à nos grandes écoles, elles sont trop petites, insuffisamment portées sur la recherche, socialement monolithiques. Elles n’en apportent pas moins une contribution décisive à la formation des élites de ce pays. Elles sont d’ailleurs contre leur gré les instruments d’une formidable hypocrisie : celle d’un système éducatif à deux vitesses qui permet aux enfants favorisés d’obtenir rapidement un diplôme et un emploi tandis que d’autres, moins chanceux ou moins informés, sont abandonnés à leur sort dans des filières sans débouchés ou auxquelles ils n’ont pas été préparés.

Mais lorsque le chômage des jeunes atteint 25%, lorsque toute une jeunesse se sent fragile devant le monde du travail, lorsqu’on est obligé de multiplier les plans de formation, les contrats spéciaux, les dispositifs d’accès à l’emploi pour des milliers de jeunes désœuvrés, c’est qu’on n’a visiblement pas donné au service public de l’Education nationale les moyens de remplir sa mission.

Bien sûr, il faut faire de l’université une priorité budgétaire. L’université accueille 67% des étudiants, mais le budget par étudiant y est inférieur à celui d’un lycéen, près de trois fois plus faible que celui d’un étudiant suisse ou américain. Cet effort budgétaire permettra d’augmenter la rémunération des enseignants, de rénover les locaux, d’acquérir du matériel de recherche, d’encadrer les étudiants en difficulté. Je propose par conséquent que l’effort de la nation en faveur de l’enseignement supérieur augmente de 50% d’ici à 2012, soit une augmentation de 5 milliards d’euros.

Mais cet effort n’aura aucun effet s’il continue d’alimenter un système qui conduit 45% des étudiants à l’échec et tant de diplômés au chômage. Depuis 25 ans, la gauche mystifie le pays et ment à la jeunesse en leur faisant croire que la démocratisation de l’enseignement, c’est un maximum de jeunes faisant des études le plus longtemps possible. C’est une faiblesse politique coupable, car il est plus facile de créer l’illusion de la démocratisation en réduisant les exigences et en laissant des milliers d’étudiants s’engouffrer dans des filières sans issue, que de veiller à ce que chacun reçoive un enseignement de qualité, reconnu, lui permettant trouver un emploi.

Plutôt que d’orienter les étudiants vers des filières qui correspondent à leur aptitude et au besoin du monde du travail, notre système préfère sélectionner par l’échec après l’entrée et jusqu’à la sortie.

Car il n’y a que les naïfs ou les gens de mauvaise foi pour ne pas voir que la sélection est d’ores et déjà une donnée de notre système. Cette sélection, elle s’opère aujourd’hui dans les conditions les plus iniques et les moins acceptables qui soient. Alors je pose la question à tous ceux qui souhaitent que rien ne change dans ce domaine et qui confondent, sciemment ou non, l’égalité des chances qui intègre et promeut en pleine lumière avec l’égalitarisme, qui exclut dans l’opacité et le mensonge : comment peut-on tolérer une telle situation, qui devrait révolter tous ceux qui se disent soucieux de justice et qui proclament leur préoccupation pour l’avenir de notre jeunesse ?

Pour inverser cette tendance de fond, je crois d’abord nécessaire de renforcer les exigences de l’enseignement scolaire, parce que ce n’est rendre service ni aux élèves, ni à la société que d’envoyer à l’université des étudiants qui n’ont pas les bases requises pour y suivre avec profit une formation supérieure.

Il faut ensuite créer un service public de l’orientation, mieux informé, mieux connecté avec le monde du travail, plus personnalisé. Les élèves et les parents doivent disposer, établissement par établissement, d’une information transparente sur les débouchés réels des filières de l’enseignement supérieur et la qualité des enseignements. De leur côté, les universités doivent adresser à chaque élève ayant manifesté un intérêt pour une inscription, un avis sur ses chances de réussite dans cette filière. Il est de notre responsabilité que les étudiants qui visent une insertion professionnelle dans des emplois qualifiés ne se fourvoient pas dans des filières dont ils méconnaîtraient les débouchés réels.

Un socle commun de formation devrait être défini dans chaque filière. Outre les matières propres à la filière, il devrait comprendre des apprentissages fondamentaux, notamment dans le domaine des technologies de la communication et des langues vivantes. Une année ou un semestre propédeutique pourrait permettre aux étudiants les plus jeunes de compléter leur formation généraliste et de préciser leur choix d’orientation.

Enfin, l’Etat doit agir de manière responsable et mettre progressivement des limites au financement de filières sans débouchés qui entretiennent les étudiants dans l’illusion et les condamnent à un réveil brutal. Que des étudiants veuillent persister dans ces filières, c’est après tout leur droit. Mais ce n’est pas le rôle de la collectivité de le financer, encore moins de les y inciter.

Chaque bachelier doit avoir une place à l’université. C’est l’objet même du bac. Et c’est l’intérêt de notre pays. Il faut même que nous augmentions encore les capacités d’accueil de l’enseignement supérieur. Nous manquons d’étudiants dans les formations longues de l’enseignement supérieur (37% d’une classe d’âge contre les deux tiers aux Etats-Unis, plus de 70% dans les pays scandinaves), comme dans les formations courtes et plus professionnalisantes. Mais il doit s’agir de places où les chances de réussite et d’accès à l’emploi sont réelles.

J’ajoute qu’il y a une différence entre le fait de ne pas être en situation, quelles qu’en soient les raisons, de réussir telles ou telles études de son choix à la sortie du lycée, et être condamné à vie à ne jamais y parvenir. L’égalité des chances, ce n’est pas donner à tout le monde au même moment le droit d’échouer dans une formation trop difficile. C’est donner à chacun le droit d’y réussir au moment où il est prêt.

C’est le rôle des passerelles, que nous devons développer.

C’est aussi et bien sûr le rôle de la formation professionnelle. C’est pourquoi je souhaite, qu’avec les partenaires sociaux, nous révisions en profondeur l’organisation de la formation professionnelle. Aujourd’hui, elle bénéficie majoritairement à ceux qui sont déjà qualifiés et elle est notoirement insuffisante pour permettre à ceux qui ne le sont pas d’acquérir une qualification. C’est évidemment l’inverse qui devrait prévaloir. La création pour chaque Français d’un compte épargne-formation individuel crédité, par exemple, d’une durée de 20 années de formation, rechargeable au fur et à mesure de la vie professionnelle, permettrait à celui qui a cessé ses études à 18 ans d’utiliser plus tard tout ou partie de son crédit restant (pas moins de huit années dans ce cas de figure) pour acquérir une formation universitaire ou professionnelle. Il serait alors rémunéré ou bénéficierait d’un prêt.

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Mais la vraie marge d’amélioration de notre système d’enseignement supérieur, c’est de libérer nos universités du carcan administratif, centralisé et inefficace qui pèse sur elles et qui les empêche de se transformer en établissements d’excellence universitaire offrant à nos étudiants les formations dont ils ont besoin dans la société du savoir.

Nos universités ont peu de moyens, des locaux indignes, peu de campus.

Elles devraient être au centre du système de recherche, elles en sont à la périphérie : d’une part, parce qu’une bonne partie de l’élite se dirige vers les grandes écoles, d’autre part, parce que notre effort de recherche est pour l’essentiel dirigé, piloté, structuré par nos grands organismes.

L’autonomie des universités est inscrite dans la loi depuis 1968, mais elle ne porte que sur une part très limitée de leurs moyens. Les universités ne sont libres ni de recruter leurs enseignants, ni de valoriser les plus méritants, ni de procéder à des choix pédagogiques, ni de disposer de leur patrimoine, ni de diversifier leurs recettes.

Enfin, la gouvernance des universités est complexe et donc inefficace. Les présidents ont peu de pouvoir et leur mode d’élection les fragilise avant même le début de leur mandat. Les conseils d’administration sont pléthoriques, ils ont des missions trop diverses, les principaux financeurs n’ont droit qu’à un strapontin, les personnalités extérieures sont rapidement dissuadées d’y participer. Quant aux différentes composantes des universités, notamment les unités de formation et de recherche, elles conservent une forte marge d’action, cultivant un certain irrédentisme qui n’est pas toujours un gage de cohérence et d’efficacité pour la stratégie d’ensemble des établissements.

Une première urgence est de rénover la gouvernance des universités. Le conseil d’administration des universités doit être plus resserré, il doit élire son président, et le mandat de celui-ci doit pouvoir être renouvelable afin d’inscrire son action dans la durée et bénéficier d’une certaine autorité. Les présidents d’université doivent être mieux aidés dans leurs tâches de gestion.

Il faut ensuite permettre à nos universités de se battre à armes égales avec les grandes écoles et dans la compétition internationale, en donnant à celles qui le souhaitent la possibilité de se doter d’une stratégie d’établissement. C’est une mesure juste pour les universités, qui méritent d’être aidées et encouragées à produire le meilleur. C’est une mesure juste pour nos étudiants, qui ont le droit de bénéficier des meilleures formations. C’est nécessaire pour rapprocher le niveau global de nos universités des standards internationaux.

La loi devra donc créer un statut d’autonomie réelle pour les universités volontaires. C’est d’ailleurs la tradition même des milieux universitaires. Celles-ci seront alors libres de créer ou de supprimer des postes ; elles pourront choisir leurs enseignants et leurs chercheurs permanents, parmi des candidats qualifiés à l’échelon national ; elles pourront les rémunérer comme elles le souhaitent et répartir plus souplement la charge d’enseignement entre les enseignants-chercheurs ; elles pourront gérer leur patrimoine immobilier pour augmenter leurs recettes ; elles pourront faire des choix pédagogiques, en lien avec leur environnement économique ; elles pourront se doter d’une politique de recherche en gérant seules les unités de recherche actuellement partagées avec le CNRS ou les autres organismes nationaux ; elles pourront fusionner avec d’autres universités ou organismes d’enseignement supérieur ; elles pourront investir dans la formation continue ; elles pourront se rapprocher de leurs homologues européennes et envisager des projets communs.

Naturellement, l’Etat conservera la mission de déterminer les diplômes nationaux et d’évaluer l’ensemble des universités. Au travers de sa politique de contractualisation, il veillera à la cohérence et à l’équité du fonctionnement d’ensemble du service public de l’enseignement supérieur.

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L’allongement de la durée des études, l’enjeu stratégique que représente la formation des jeunes pour la nation toute entière, font de la condition étudiante un métier à part entière. Notre pays ne peut pas s’offrir le luxe de rémunérer ses étudiants. Il doit à tout le moins s’engager dans un effort massif d’amélioration de la vie étudiante.

30% des étudiants bénéficient d’une bourse. Il faut rendre leurs mécanismes d’attribution plus rapides, plus simples, créer le dossier unique et dématérialisé. Pour répondre à la demande d’autonomie des jeunes des classes moyennes, il faut créer des bourses au mérite à mesure que les études s’allongent. Il faut valoriser et encourager le travail étudiant qui est une conquête respectable d’autonomie en créant des emplois universitaires, par exemple dans les bibliothèques ou pour le tutorat des plus jeunes, en défiscalisant les revenus du travail étudiant et en ne tenant pas compte des revenus ainsi perçus dans le calcul des plafonds de ressources pour l’attribution des bourses et des aides au logement.

Il faut investir dans le logement étudiant, en créant des résidences dans les grandes villes et en incitant les bailleurs à louer leurs biens à des étudiants. Sur le long terme, il faut surtout que nous nous dotions de campus universitaires avec des logements pour les étudiants et leurs familles, les enseignants, les chercheurs, des installations sportives, des bibliothèques ouvertes au moins six jours sur sept, comme c’est le cas dans tous les grands pays du monde.

On dit que les campus sont à l’origine de 40% de ce qu’un étudiant apprend ou produit pendant son passage à l’université. C’est dire l’importance qu’il y a à ce que nous rattrapions notre retard. Une exigence d’autant plus grande que les campus sont indispensables pour attirer les meilleurs étudiants et les meilleurs chercheurs étrangers. A cet égard, l’aménagement du plateau de Saclay, qui concentre un potentiel académique, scientifique et technologique unique en Europe et peut-être même dans le monde, doit être une priorité et un chantier d’envergure nationale. Ce potentiel doit être organisé et valorisé, ce qui implique de créer les conditions matérielles et immatérielles pour donner à ce site l’identité, la visibilité et la convivialité qui lui font défaut. Ce doit être l’un des grands projets d’avenir du prochain quinquennat.

Les collectivités locales ont montré le dynamisme dont elles étaient capables pour améliorer rapidement la situation matérielle des collèges et des lycées. Je propose que nous réfléchissions à l’idée de donner aux régions la compétence de droit commun en matière d’amélioration de la condition étudiante. C’est une politique valorisante et attractive des talents. Parallèlement, les départements pourraient récupérer les lycées, ce qui améliorerait la cohérence des interventions des collectivités locales au niveau des établissements scolaires.

Il faut enfin permettre à beaucoup plus d’étudiants de participer au programme Erasmus. A cet égard, il faut prévoir d’élargir le champ d’attribution des bourses de mobilité aux enfants des classes moyennes.

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Le second enjeu de la société de la connaissance, c’est de configurer notre système de recherche et notre potentiel d’innovation à la mesure des défis que nous lancent la mondialisation et la compétition croissante entre les intelligences nationales.

C’est un fait que notre recherche va mal. Le poids et l’impact de nos publications scientifiques se réduisent. Nous perdons du terrain dans le domaine des brevets, en particulier dans les secteurs stratégiques que sont les biotechnologies et les T.I.C. Nous subissons une hémorragie sans précédent de nos jeunes chercheurs : peut-être 15 à 20% chaque année, dont une majeure partie aux Etats-Unis.

Comment en serait-il autrement ? De 1995 à 2004, l’effort de recherche de notre pays s’est réduit quand tous les autres pays développés ou émergents suivaient la trajectoire opposée.

A la réduction des moyens, s’ajoutent les conditions de travail réservées à nos chercheurs : « Un monde d’individus sous-payés, mal évalués, où l’on est promu tard, même lorsque l’on est brillant tôt, où le sous financement chronique des laboratoires dispute la vedette à la rigidité de leur fonctionnement », pour reprendre les formules utilisées par quatre de nos chercheurs les plus brillants dans leur appel Du Nerf de mars 2004. On serait dissuadé à moins que ça.

D’ailleurs, comment prétendre que nous accordons une grande importance à l’éducation, à l’enseignement supérieur, à la recherche et au savoir, alors que nous récompensons si mal ceux qui se consacrent à ces activités ? Les salaires des professeurs d’université et des chercheurs en France, leur environnement de travail, ne sont pas à la hauteur d’un pays qui veut faire de la connaissance sa nouvelle frontière. Et ils le sont encore moins si on les compare avec ceux de leurs homologues étrangers. La sécurité de l’emploi ne compense rien en la matière, car à ce niveau d’expertise, ce n’est pas un problème.

A Bénabar qui disait récemment à la télévision : « Sarkozy, on voit bien qu’il est capable de créer une société où ceux qui ont envie de réussir pourront le faire. Mais ceux qui ont des difficultés, on ne voit pas ce qu’il peut faire pour eux », je réponds très simplement, et je veux avoir ce débat avec les Français : « la première chose qu’on peut et qu’on doit faire pour ceux qui ont des difficultés, c’est de faire revenir en France tous les facteurs de richesse qui en sont partis ». Je ne m’intéresse pas plus à ceux qui sont à Bruxelles avec leurs capitaux, qu’à ceux qui sont à Londres avec leur calculette, aux Etats-Unis avec leur cerveau, à Shanghai avec leur soif d’entreprendre. Je veux que tous ceux qui se sont expatriés pour réussir puissent revenir car nous avons besoin de tout le monde.

Je n’oppose pas les jeunes qui refusent les réformes en France aux jeunes qui partent tenter leur chance à l’étranger. Ce sont les mêmes. Ils ont les mêmes ambitions, les mêmes attentes, les mêmes envies. Ils refusent seulement, soit en partant, soit en manifestant, de subir seuls le poids des ajustements d’une société qui vit au-dessus de ses moyens depuis 25 ans.

Quand je vois que la fondation Bill et Melinda Gates dispose d’un budget annuel de 3 milliards de dollars, autant que celui de l’OMS et cinq fois celui de l’UNESCO, quand je vois que le Wellcome Trust, une ancienne entreprise pharmaceutique devenue fondation britannique, distribue 800 millions d’euros par an à la recherche biomédicale, c’est-à-dire presque un tiers de ce que la France consacre à cette discipline, je me dis que c’est un drame que la France ne sache pas garder ses investisseurs et encourager leur philanthropisme. Ce n’est pas seulement une question de fiscalité. Je ne suis même pas sûr que ce soit la question prédominante. C’est une question de confiance dans l’avenir du pays, de reconnaissance, de respect pour ceux qui ont pris des initiatives et qui ont eu des résultats.

Rétablir le pacte social, renouer les liens entre ceux qui ont beaucoup et ceux qui ont trop peu, c’est agir dans les deux directions. C’est tendre la main vers ceux qui ont besoin qu’on les aide et c’est le faire massivement. C’est aussi dire à ceux qui financent l’effort de solidarité ou qui créent nos richesses les plus précieuses que leur réussite est nécessaire, appréciée, respectée, reconnue.

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Pour un responsable politique, la qualité de la recherche a ceci d’embêtant qu’elle ne se décrète pas. Elle se construit sur la durée avec l’espoir que les investissements consentis produiront des fruits sur le long terme. Il faut des années pour créer un bon système de recherche, quelques mois pour le dilapider.

Il n’en reste pas moins qu’il existe un certain nombre de conditions sans lesquelles il est illusoire d’attendre de grands bénéfices d’un système de recherche.

Il faut en particulier une recherche fondamentale de qualité exceptionnelle. Dans un environnement économique où l’essentiel de la rente est captée par celui qui trouve le premier, il n’y a pas de recherche privée, et moins encore d’innovations, s’il n’y a pas en amont une recherche fondamentale de haut niveau.

Cessons d’ailleurs d’opposer la recherche fondamentale à la recherche appliquée, la recherche publique à la recherche privée. C’est une posture idéologique qui ne résiste pas à l’analyse des faits. Toutes ces composantes de l’effort de recherche sont complémentaires et se confortent. Aucune ne peut espérer progresser sur l’affaiblissement de l’autre. Stanford et le MIT reçoivent des financements publics et des financements privés. Et le fait que ces deux établissements excellent dans la valorisation de la recherche ne les empêche aucunement de collectionner les Prix Nobel.

Comparée à la structure des dépenses de recherche dans les autres pays de l’OCDE, ce qui manque à la recherche française, ce sont d’abord des financements privés. Mais ceux-ci ne viennent pas s’ils ne sont pas attirés par une recherche fondamentale et académique d’envergure. Depuis une dizaine d’années, nous avons perdu par exemple beaucoup de laboratoires de recherche dans le domaine pharmaceutique, qui ont préféré se rapprocher des pôles de recherche fondamentale créés aux Etats-Unis et en Grande-Bretagne.

Le nombre de chercheurs publics par habitant est élevé en France. Mais la qualité de leurs travaux est affaiblie par notre organisation. Notre recherche est dispersée : une bonne partie des étudiants est dans les grandes écoles, les enseignants dans les universités, les chercheurs dans les grands organismes. Or, en la matière plus qu’en d’autres, il n’est de richesse que d’hommes. L’absence d’universités autonomes dotées d’une identité forte, mêlant l’enseignement et la recherche au plus niveau, facilitant la circulation des hommes et des idées, dissuadent beaucoup de nos esprits les plus brillants soit de s’engager dans la recherche, soit de rester en France. La reconduction d’année en année des structures existantes prévaut sur la mise en concurrence des équipes, qui est pourtant la clé indispensable et admise par tous d’un fonctionnement efficace d’un système de recherche. Enfin, et pour les mêmes raisons, l’Etat n’a pas réellement la possibilité de concentrer nos efforts de recherche sur des priorités nationales. Il affiche des intentions, les nanotechnologies, les biotechnologies, les T.I.C., mais en réalité il n’a guère de moyens de diriger les fonds publics en priorité sur ces secteurs car il est d’abord tenu de financer des structures rigides. En 10 ans, la répartition des moyens et des effectifs entre les laboratoires scientifiques du CNRS n’a quasiment pas bougé. L’Agence nationale de la recherche, qui vient d’être créée et qui fonctionne sur le modèle d’une agence de moyens, est à cet égard un progrès. Mais elle ne dispose que de 6% du budget civil de la recherche publique et n’a pas de marges de manœuvre sur l’affectation des personnels.

Nos grands organismes de recherche ont rendu de grands services dans le passé et continuent de le faire. Mais c’est un fait que leurs forces d’hier sont devenues des faiblesses. « Réformer n’est pas annuler le passé », c’est lui permettre d’évoluer pour continuer à viser le meilleur.

A défaut de 2010, devenu inatteignable, il faut prévoir de porter notre effort de recherche et de développement à 3% du PIB d’ici 2012, soit 15 milliards d’euros supplémentaires dont 4 pour la puissance publique. Mais là encore ces moyens seront par construction toujours insuffisants, s’ils irriguent un système qui continue de pécher par ses faiblesses structurelles. C’est donc à une véritable transformation de l’organisation de notre système de recherche qu’il faut désormais procéder.

Celle-ci doit reposer sur quatre piliers :

– la création de campus de recherche de niveau mondial autour de nos universités et de nos grandes écoles déjà en pointe sur le sujet. Ces campus seraient les noyaux durs d’un renouveau de la recherche fondamentale française, les artisans d’un nouvel enthousiasme, des incubateurs de nouveaux talents, des pôles d’attraction pour les chercheurs étrangers et les entreprises innovantes ;

– la transformation, au moins partielle, de nos grands organismes de recherche en agences de moyens, chargées de financer des projets sur des bases pluriannuelles en fonction de priorités nationales, et non pas des structures en fonction d’organigrammes hérités du passé ;

– la pratique de l’évaluation, notamment internationale, qui est la seule manière de garantir la liberté indispensable à la recherche tout en stimulant les équipes ;

– enfin la réforme de l’emploi scientifique public. Non pas sa disparition, ni même sa limitation, parce qu’il est une force de notre recherche, mais un fonctionnement nettement amélioré : revalorisation des bourses et des salaires pour les post-doctorants et les jeunes chercheurs ; promotion au mérite ; titularisation et octroi de responsabilités, même jeune, quand on a fait ses preuves ; possibilité de le faire dans le cadre d’un contrat stable et digne de jeune chercheur, d’une durée de trois à cinq ans, quand on doit encore les apporter. Il est d’autant plus nécessaire de retenir nos jeunes qu’à l’hémorragie provoquée par le départ de trop de chercheurs à l’étranger vont s’ajouter les départs à la retraite.

Ces réformes structurelles sont au surplus indispensables si nous voulons que nos équipes participent à cette Europe de la recherche qu’il faut impérativement mettre en place pour mutualiser nos moyens sur les projets les plus stratégiques.

Parallèlement, il faut améliorer la valorisation économique de notre recherche académique et fondamentale. Où sont les Cisco, Yahoo !, Google, Microsoft… issus de nos établissements de pointe, de l’Ecole polytechnique, de l’Université Pierre et Marie Curie ou du CNRS ?

Quant à nos PME, elles doivent être davantage impliquées dans nos grands programmes de recherche. Il faut leur permettre de grandir plus vite, soit en augmentant significativement les seuils d’application des dispositifs qui leur sont destinés, soit en suspendant à titre expérimental les seuils pendant une durée de deux ans. Une partie des commandes publiques et des fonds publics de recherche devrait leur être attribuée en priorité.

Mes chers amis, notre université et notre recherche ont subi des chocs sans précédent au cours des dernières années : le conflit entre le monde de la recherche et le gouvernement en 2003 et 2004, le classement de l’université Jiao Tong de Shanghai qui a provoqué la stupeur et la consternation dans les milieux universitaires, le refus du CPE par les jeunes. Tous ces événements ne sont pas seulement des crises, des souvenirs désagréables à oublier, des révélateurs de contraintes qui nous forceraient à changer.

Ils sont des occasions, des chances que nos universités et notre recherche ont su saisir pour nous convaincre de les aider à relever le défi de la société de la connaissance. La France n’a jamais changé sous la contrainte. Elle a changé sous l’impulsion d’un nouvel espoir. Elle a changé quand elle percevait les contours de nouvelles perspectives. Elle a changé quand elle s’est donnée des ambitions.

Si nous n’avons pas d’ambition pour notre système d’enseignement supérieur et de recherche, ne comptons pas sur les autres pour en avoir à notre place.

Notre ambition est forte. Je veux la résumer en quatre points :

– donner à chaque jeune une formation supérieure conduisant à un emploi :
– augmenter le niveau général de qualification de la population parce que c’est la chance de nos enfants et la clé de notre croissance future ;
– donner de l’autonomie à nos universités pour permettre à celles qui le veulent de faire valoir leurs talents dans la compétition mondiale des systèmes d’enseignement et de recherche ;
– mettre notre système de recherche au plus haut niveau international.

Au travers de cette grande ambition, je le dis avec beaucoup de gravité, c’est tout simplement le destin de notre nation et de chacun d’entre nous qui est en jeu. C’est un défi immense dont dépendent le rang et le rayonnement de notre pays dans le monde, de même que notre capacité à renouer avec une croissance forte et durable, donc à préserver le niveau de bien-être et de civilisation que nous avons atteint. Je sais que la France et les Français ont les ressources et les talents pour le relever. Leur en donner les moyens sera, soyez en persuadés, un axe central de notre projet politique.

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