Le coup d’arrêt nécessaire

Par UNI Archives

Le 11 octobre 2006 à 13h26

UNI

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La liberté d’expression est menacée en France. Elle l’est de façon si grave qu’il est urgent de donner un coup d’arrêt.

Cette menace s’est manifestée dernièrement dans ce qu’on peut appeler l’affaire Redeker. Rappelons les faits, qui sont très simples. Robert Redeker, professeur dans un lycée des environs de Toulouse, a publié, dans le Figaro du 19 septembre, une tribune libre intitulée : « Face aux intimidations islamistes, que doit faire le monde libre ? ». Il a aussitôt reçu des menaces de mort si sérieuses que, d’après un communiqué officiel du ministère de l’intérieur, « la DST et l’unité de coordination de la lutte antiterroriste les ont analysées et ont conclu à leur dangerosité. Il a donc été décidé de mettre en place une surveillance. » Depuis lors, Robert Redeker est absent de son lycée et change régulièrement de résidence.

Le fait en lui-même est déjà d’une extrême gravité et devrait susciter les réactions les plus vives des autorités et de l’opinion publique. Mais ce qui lui confère une tout autre dimension, c’est qu’il n’est pas isolé et qu’on voit se multiplier les intimidations tendant à interdire par la force de parler du sujet traité par Robert Redeker. On se souvient des violences qui ont suivi la publication des caricatures de Mahomet.
Récemment, ce sont les propos, d’ailleurs déformés, du pape Benoît XVI qui ont servi de prétexte à de semblables manifestations. En France, les représentations des pièces de théâtre abordant le même sujet font l’objet de tentatives d’interdiction.

C’est donc bien la liberté d’exprimer une opinion qui est en cause. Les menaces touchent plus particulièrement certaines professions, comme le corps enseignant, mais elles ne sont nullement limitées et elles peuvent frapper n’importe qui à tout moment.

Si la question n’était pas si grave, on pourrait lui trouver un caractère comique. Ceux-là mêmes qui affectent de se considérer comme injuriés si l’on met en cause leur violence répondent précisément par la violence, confirmant ainsi de façon caricaturale les accusations verbales portées contre eux.

A vrai dire, on assiste aujourd’hui à l’exacerbation de certaines tendances que l’on pouvait constater antérieurement. Si l’on se reporte aux débats qui étaient monnaie courante jusqu’aux années trente, on s’aperçoit que ceux d’aujourd’hui sont d’une tiédeur soporifique. La pensée unique et la langue de bois affadissent et stérilisent la réflexion. Insidieusement, on s’habitue à éviter certains sujets ou à ne les traiter que selon une certaine ligne.

Une dérive inquiétante, allant dans le même sens, se manifeste également dans la législation ou la réglementation qui s’appliquent à la justice pénale. Alors que devraient tomber sous le coup de la loi de façon égale les actes répréhensibles en eux-mêmes, on voit se constituer de nouveaux délits, tels que l’homophobie ou l’islamophobie, qui reviennent en fait à accorder une protection, pour ne pas dire une immunité, particulière à certaines catégories de personnes. Comme on ne sait pas très bien, en de telles matières, où passe la frontière entre ce qui est encore permis et ce qui est condamnable, on s’habitue à ne pas aborder ouvertement certains sujets. Combien de fois entend-on, dans les conversations privées, des phrases telles que : « Je le dis entre nous, mais, bien entendu, je ne le dirais pas publiquement, de peur de me retrouver devant le tribunal ». On le dit peut-être en forme de demi-plaisanterie, mais de fait, on s’impose bel et bien des interdits portant sur certains sujets. Plus grave encore que la censure officielle, l’autocensure sournoise, omniprésente, installe peu à peu le règne de la peur et de la démission.

Pendant un certain temps, on a pu s’endormir dans ce climat délétère. Aujourd’hui, des individus ou des groupes fanatiques nous croient assez veules, pour que nous acceptions de nous voir imposer par la force et l’intimidation les règles de ce qui est toléré et de ce qui est interdit. Ce qui, hier encore, aurait été qualifié de fantasme s’impose maintenant comme une réalité brutale.

Ce qui est en cause dans l’affaire Redeker, ce n’est évidemment pas d’accorder à la corporation enseignante un privilège particulier. C’est la possibilité pour chacun, en principe et en fait, d’exprimer publiquement ce qu’il pense. Faute de liberté d’expression, c’est la pensée elle-même qui est étouffée. Au-delà, c’est la vitalité du pays qu’il faut préserver en donnant un coup d’arrêt contre les menaces actuelles.

Si les enseignants ne revendiquent pas de privilège spécial, ils se reconnaissent une responsabilité particulière dans la défense de la liberté d’expression. Les signataires de cette déclaration entendent ainsi exercer cette responsabilité.

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