Lettre ouverte aux professeurs de l’Université de Provence

Par UNI Archives

Le 11 mai 2009 à 18h17

Image Lettre ouverte aux professeurs de l’Université de Provence

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Lundi 11 mai 2009.

Professeurs,

Découvrant l’Université, tout jeune étudiant, nouveau bachelier, sera surpris du déroulement particulier des cours où une personne seule, face à un auditoire dense, tout entier porté par ses lèvres, s’exprime, développe de grands concepts, de grandes idées, partage avec eux ses connaissances, mais aussi sa passion.

C’est ça l’Université, une terre d’échanges perpétuels, de
naissance de vocations aussi car combien décideront, portés par l’intelligence d’un maître, étayés par son expérience, de suivre le même chemin que lui? Combien décideront, séduits par cette voie ouverte à force de mots et d’échanges, d’embrasser un des métiers les plus beaux mais aussi les plus
difficiles de notre société ? Combien se verront grand professeur, partageant eux aussi, au terme de nombreuses années d’études, d’ascèse intellectuelle, de souffrances pour beaucoup car offrir cinq ou huit ans de sa vie à sa formation est un engagement lourd, de rejoindre votre corps ?

Tout est affaire de partage, de responsabilité aussi. Ne tuez pas le messager disait le poète. J’ai lancé au comité de blocage, car les faits témoignent de la vraie dénomination à accorder à ce groupuscule, une lettre ouverte mais aussi les attentes de centaines d’étudiants et de professeurs.

En effet, combien d’entre vous ont eu à donner leurs cours dans des conditions pénibles, qui dans un restaurant rapide, qui dans un café, qui dans un parc… Or, il n’est pas normal que vous en soyez réduits à cela, chassés par quelque vieux Platon, portés par la liberté d’Aristote, déambulant ainsi car n’ayant plus le droit de chaire. Quel terrible constat tirer du fait que vos fonctions, vos
recherches, ne vous gardent plus de la folie des Hommes, alors même que l’on se dissimule derrière certains droits propres à cette grande famille universitaire ?

Quelles conséquences tirer du fait que certains directeurs de départements en arrivent à vous menacer de représailles afin de bloquer le déroulement des cours? Est-ce à ces gens de parler en votre nom? Est-ce à quelque minorité sur-politisée de vous remplacer dans les débats, lesquels sont de toute façon refusés? En somme, aucune représentativité du corps professoral, en dehors de ceux qui sont d’accord avec la prise en otage des étudiants. C’est là un terme fort, mais il convient, maintenant, de le poser. Combien, aussi, assument les conséquences de ce qu’ils souhaitent faire passer pour une fronde, en renonçant à une partie de leurs revenus? Sincérité ébranlée me semble-t’il de qui se dit prêt à tout pour une cause sauf à perdre quelques centaines d’euros, les listings en témoignent.

Ce sont les mêmes gens qui exhortent au sacrifice d’un semestre sur l’autel de leur « cause » Après tout, peut-être que ces deux prises de position, contradictoires en apparence, sont un même ensemble, logique et cohérent. Peut-être comptent-ils continuer à percevoir ces sommes et les redistribuer aux étudiants précarisés par leurs actions. Peut-être enfin souhaitent-ils ainsi
financer des distributions de repas aux étudiants plongés dans la misère par la résurrection de vieux idéaux.

Belle image à donner de l’Université que celle de professeurs sacrifiant quelque argent afin de nourrir leurs étudiants, beau moyen aussi de les inféoder à leur cause: un repas, un vote…

Le temps passe, beaucoup abandonnent, la situation financière de nombreuses
personnes se dégrade, en somme, d’une formation de grande qualité naîtra la misère. Est-ce là le rôle des professeurs que de transformer leurs étudiants en moutons taillables et corvéables à loisir ou d’en faire des esprits libres et éclairés? J’en appelle à votre conscience, la même qui doit vous pousser à ne plus accepter un dictat politique et idéologique scabreux qui tire l’Université de
Provence vers le bas. Le constat des derniers mois est parlant: peu de cours, des renonciations, des étudiants dans les rues.

Belle image, belle réaction que celle de cette jeunesse qui n’a pas compris que sa place est, avant tout, dans les amphithéâtres, dans les bibliothèques, et que ce sont avec des mots qu’ils bâtiront leur révolution, non pas avec des pierres. Chaque année des mouvements violents bloquent le second semestre, nec varietur. Relisons l’histoire et nous retrouverons ces paroles quasi-prophétiques d’Emile Cioran : En elle-même toute idée est neutre, ou devrait l’être;mais l’homme y projette ses flammes et ses démences; impure, transformée en croyance, elle s’insère dans le temps, prend figure
d’évènement: le passage de la logique à l’épilepsie est consommé… Ainsi naissent les idéologies, les doctrines, et les farces sanglantes.

Idolâtres par instinct, nous convertissons en inconditionné les objets de nos songes et de nos intérêts. L’histoire n’est qu’un défilé de faux Absolus, une succession de temples élevés à des prétextes, un avilissement de l’esprit devant l’Improbable. Lors même qu’il s’éloigne de la religion, l’homme y demeure assujetti. (…) Sa puissance d’adorer est responsable de tous ses crimes: celui qui aime indûment un dieu, contraint les autres à l’aimer, en attendant de les exterminer s’ils refusent.

Précis de décomposition, Généalogie du fanatisme.

J’en appelle aux raisons profondes qui vous ont encouragés à devenir professeur, à ces raisons qui font que vous n’êtes pas des gens ordinaires aux yeux de vos étudiants mais des personnes que l’on écoute, des personnes que l’on respecte. C’est en leur nom que je vous demande, très respectueusement, de ne plus accepter la situation et de nous aider à rétablir un environnement
sain afin de pouvoir, de nouveau, travailler ensemble à l’avènement de demain.

Je reste à votre disposition, pleine et entière, afin de relancer le débat,

N. M. d. F.

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