Aujourd’hui, l’UNI fait partie du paysage : paysage universitaire, paysage politique, paysage culturel, paysage sociétal. On n’imagine même pas que ce mouvement puisse être absent. Sa composition et son mode d’action n’étonnent personne. Et pourtant, il y a encore cinquante-deux ans, non seulement l’UNI n’existait pas, mais aucune organisation de ce type n’existait. Ce n’est pas comme si un parti politique s’était ajouté aux autres partis, ou un syndicat aux autres syndicats.
L’UNI ne s’apparente pas non plus à une sorte de club ou d’amicale. Ce n’est pas que l’aspect sentimental en soit absent : l’attachement des membres de l’UNI pour leur mouvement est profond et durable, au point qu’on dit souvent, en souriant mais avec un fond de vérité, « UNI un jour, UNI toujours ». Mais la raison d’être de l’UNI n’est pas là. Son existence et son action, qui dépassent de loin un cas particulier plus ou moins anecdotique, jettent un jour révélateur sur la vie publique en France dans les cinquante dernières années.
Jacques Rougeot, Président d’honneur et honoraire de l’UNI
A l’occasion des 52 ans de l’UNI, revenons sur les débuts et comment ce syndicat universitaire fut créé pour réagir à Mai 68 et son idéologie. Depuis, partout en France, dans les facultés et dans les lycées, les adhérents de l’UNI affirment leurs convictions et défendent leurs libertés dans un environnement souvent hostile.
Ce samedi 30 mai 2020, l’UNI (Union Nationale Inter-universitaire) va fêter ses 52 ans ! 1968, c’était hier, et bien des idéologies nées alors continuent d’empoisonner le débat public. Les raisons qui ont conduit une poignée d’étudiants, de professeurs et de représentants de la vie professionnelle (on ne disait pas encore société civile) à créer l’UNI à l’époque restent les mêmes que celles qui poussent, aujourd’hui encore, de jeunes lycéens ou étudiants à s’engager avec nous. La volonté d’agir pour ne pas subir !
Aux premiers jours de mai 1968, la France était prospère, les institutions solides, et le Général de Gaulle une figure très respectée. Pourtant, il aura, en apparence, suffi que quelques agités étudiants s’échauffent pour que ce bel édifice chancelle. Personne n’avait rien vu venir. Les dirigeants politiques d’alors, comme souvent à droite, étaient trop occupés à s’occuper de « choses sérieuses » pour s’intéresser à ce qui se passait depuis plusieurs années dans les universités françaises. Là, le marxisme tenait le haut du pavé. Il se teintait de psychologie pour s’immiscer dans les rapports humains et fractionner la société : les ouvriers contre les patrons, les aînés contre les jeunes, les élèves contre leurs professeurs. La sociologie s’attribuait la mission de changer le monde et non plus seulement de l’expliquer. Puis vinrent les apôtres de la « déconstruction » qui s’employèrent à renverser les hiérarchies des valeurs, « tout se vaut », pour mettre à terre nos institutions : l’école, la famille, la nation.
Ces ferments de contestation étaient présents depuis le début des années 60. Les politiques de droite avaient préféré en rire, comme aujourd’hui à propos des militants du genr, des anti-spécistes ou des décolonialistes. Mais quand ces idéologies sont devenues des mots d’ordre, puis des mobilisations et des coups de force, le pouvoir s’est retrouvé incapable de réagir. Dans un état de sidération complète, il fut paralysé par une menace qu’il ne comprenait pas. La majorité des responsables s’est même évaporée, laissant les ministères déserts en pleine crise.
Face à cela, heureusement, des personnes de caractère ont fait face. Ce fut d’abord l’organisation d’une manifestation de soutien à de Gaulle, le 30 mai pour mettre fin à la « chienlit » ; puis la création de l’UNI. Ses fondateurs, parmi lesquelles les Pr. Jacques Rougeot et Frédéric Deloffre, le physicien Gérard Daury et Suzanne Marton, alors étudiante, s’étaient rencontrés dans les coulisses de cette manifestation. Ils avaient bien compris que le mal était profond et que ni le million de manifestants présents le 30 mai, ni même l’écrasante victoire électorale du mois de juin 1968 ne suffiraient à stopper le venin qui avait été inoculé dans la société française.
Nos grands anciens avaient terriblement raison. Depuis, les hérauts de la « pensée 68 » ont fait école. Des générations d’étudiants ont été biberonnées à leur délire. Leurs « héritiers » poursuivent ce travail de sape en déconstruisant notre identité, remettant tout en cause, brouillant les repères, allant jusqu’à nier la biologie.
Pour ne plus subir, il fallait être en capacité de prévoir, de comprendre et d’agir. C’est pourquoi l’UNI a décidé de s’implanter au cœur même de l’écosystème de la gauche radicale : les universités. Dans les années 70, ce n’était pas l’endroit le plus confortable pour des militants de droite, mais l’expérience de mai nous avait vaccinés. Il fallait prendre aux sérieux ces activistes d’extrême-gauche pour analyser leurs discours afin de pouvoir réagir efficacement. L’UNI s’opposa donc, dès le début, aux folies « pédagogistes », refusant la méthode globale, défendant l’étude chronologique de l’Histoire. Malheureusement, il fallut du temps pour que ce combat soit partagé à droite. Cela nous a enseigné la constance.
Même la défense de valeurs comme la liberté n’est pas toujours allée de soi. En 1983, quand les premières attaques contre l’école libre sont apparues, il a fallu ferrailler pour organiser la résistance. Une partie de l’épiscopat pensait pouvoir négocier avec François Mitterrand. C’est pour leur répondre que l’UNI lança son slogan « La liberté n’est pas négociable ». Celui-ci fut repris par les manifestants en faveur de l’école libre lors des grands rassemblements de 1984. Cela nous a appris la persévérance.
En France, on n’aime pas les porteurs de mauvaise nouvelle. L’UNI a souvent été traitée de Cassandre, car nous alertions sur des menaces que nous avions vu naître dans l’université, bien avant que celles-ci n’apparaissent dans le reste de la société. Dès les années 90, nous avions souligné les dangers du communautarisme alors, qu’à l’époque, certains, même à droite, y voyaient une forme de modernité. En 2004, nous avons été les premiers à mettre en garde contre la radicalisation islamiste, au moment où des associations islamistes tentaient de s’implanter sur les campus. En 2013, quand nous avons créé l’Observatoire de la théorie du genre pour dénoncer cette idéologie, personne n’imaginait que le « genre » allait devenir un sujet quasi-quotidien à l’Assemblée nationale.
Cela nous a inculqué la nécessité première de convaincre notre camp, pas seulement les élus mais tous les Français de droite. C’était et c’est toujours l’objectif de nos grandes campagnes militantes.
Pour réussir, il faut pouvoir inscrire le combat politique dans la durée. Seules les générations de militants qui se succèdent à l’UNI rendent cela possible. En 52 ans, des dizaines de milliers de militants ont défendu nos couleurs, souvent en faisant preuve de courage physique face à des nervis de gauche qui n’ont jamais hésité à utiliser la violence pour étouffer les voix dissidentes. L’un de nos premiers responsables fut ainsi suspendu par les pieds en haut de la tour de Jussieu, quand un autre plus récemment a été tabassé dans la fosse de Tolbiac.
De nouveaux défis et de nouvelles menaces attendent la France. Les combats ne seront pas simples. Les victoires ne seront pas immédiates. L’UNI les livrera demain, comme elle les a menées hier en s’appuyant sur la détermination de ses militants actuels et futurs ! C’est bien le combat d’aujourd’hui et de demain que nous livrons. La victoire ne nous est pas offerte, mais elle est à la portée de nos efforts et de notre volonté.
Décidément, on peut être convaincu à bon droit que la belle aventure de l’UNI a encore de beaux jours devant elle.
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